La journée avait mal commencé. Très mal. Pourquoi ? Parce que je n'avais rien à faire. Dis comme ça cela pouvait paraître absurde, mais j'avais l'habitude de me lever tôt, aussi étais-je déjà debout tout seul à 8h du matin. A 9h30, j'étais entièrement prêt, j'avais traîné dans un bain, j'étais coiffé, habillé, bref, impeccable. Cela faisait plusieurs minutes que je déambulais dans les couloirs de l'immense demeure de Zack, sans jamais croiser personne ; c'était bien de se retrouver soudainement sous l'aile d'un mec ultra friqué qui change ta vie de grand travailleur constamment en galère en homme ayant de l'argent à ne plus savoir quoi en faire. Dès que j'exprimais le désir d'avoir quelque chose je le retrouvais dans la maison, ou autour. Ou même quand je ne demandais rien d'ailleurs. Une fois j'avais parlé voiture avec Zack, le lendemain ma jeep avait disparu et avait cédé sa place à une Ferrari California qui n'attendait que moi. Un matin je m'étais levé, et c'était en peignoir que j'avais demandé à Zack où se trouvaient mes vêtements parce que tout avait disparu ; c'est alors qu'il m'avait expliqué que l'armoire que j'avais cru être désormais celle d'un autre, était toujours la mienne, sauf qu'il avait jeté tous mes vieux vêtements et avait refait ma garde-robe. Parce que "son disciple doit toujours avoir la classe", voyez. Je n'avais désormais plus que de la marque, des capuches jusqu'aux chaussettes en passant par les boxers. C'était... très perturbant.


Décidé à m'entraîner encore et améliorer mes capacités physiques, ignorant les courbatures qui me tiraillaient depuis des jours, je grimpai dans ma Ferrari en jetant mon sac de sport sur le siège passager, accrochant le volant et faisant gronder le moteur. En quelques minutes à peine j'étais arrivé à Port Angeles, où je garais ma magnifique voiture sous le regard envieur de quelques passants ; qui s'avérèrent atteindre un haut niveau de frustration lorsqu'ils virent un petit jeune s'extraire d'un tel bolide. Jetant mon sac sur mon épaule, fermant la voiture, je finis par entreprendre une petite marche tranquille pour finalement atteindre la salle de musculation. En quelques minutes, mon jean Kaporal, ma veste Kaporal, mon tee-shirt Kaporal, et tout le reste Kaporal, laissèrent place à un ensemble adidas entièrement noir et qui avait sans doute coûté les yeux de la tête à Zack. Ça me gênait un peu de porter un simple jogging de sport à 200$ ou plus, mais de toute manière, je finirais bien par m'y habituer. Je fis alors, quelques abdos, quelques pompes, courant plusieurs minutes sur les tapis roulants et soulevant quelques poids, confortablement allongé sur le dos. La porte de la salle s'ouvrit, je jetai un rapide coup d'oeil à la jeune femme qui venait de rentrer pour ensuite reporter mon attention sur mes poids....... et enfin sur elle encore une fois.


« Théola ? Qu'est-ce que tu fais ici ? »


Je reposai la barre, me redressant et m'essuyant le front avec la serviette que j'avais autour du cou, sourcils froncés. Nous étions d'accord, elle devait arrêter de me suivre, je devais faire comme si elle n'existait pas et ainsi je ne la chasserais pas. Elle cherchait les ennuis ?

Mes yeux se posèrent sur Théola, probablement la dernière personne au monde que j'aurais aimé voir. Déjà, parce que cela signifiait qu'elle ne respectait pas notre accord. Et quand bien même cela aurait été le hasard, contrairement à moi elle avait un odorat suffisamment développé pour reconnaître les odeurs et éviter certaines personnes en remarquant leur présence quelque part. Je fronçai les sourcils en la dévisageant. Allait-elle essayer de me mentir ? Elle resserra son sac contre elle en un geste qui semblait la rassurer un peu, un peu comme si c'était une protection, un bouclier. Sauf que ça n'en était pas un.


« Je vais faire du sport qu'est ce que tu crois? La Push n'a pas ce genre de matériel, je viens pas souvent mais je viens...»


A ces mots, je poussai un profond soupir.


« Tu es une modificatrice, de ce fait tu as la musculature naturellement développée, ne me prend pas pour un idiot. »


Je la fixai encore quelques instants, pour finalement poser ma serviette à côté de moi et me lever en la regardant droit dans les yeux. Nous avions passé un marché, elle l'avait volontairement outrepassé. Et je devais ne pas y faire attention ?


« Est-ce que tu sais que chez les Hunters, j'ai enfreint deux lois avec toi ? La première, c'était de t'avoir laissé vivre alors que j'avais l'occasion de te tuer. La seconde, c'est de t'avoir laissé vivre en sachant que tu connaissais mon identité, qui est censée rester secrète. Pour ces deux fautes, je peux être accusé de traîtrise et me faire fusiller avant même d'avoir pu ouvrir la bouche ; alors franchement, donne-moi une bonne raison de ne pas te tuer maintenant, là, tout de suite. Dis-moi que tu as une bonne raison pour ne pas avoir respecté ta part du marché. »


Je croisai les bras sur mon torse ; je n'avais pas d'arme sur moi, après tout cela paraîtrait suspect de se balader en salle de musculation avec un flingue ou pire, un fusil d'assaut. J'avais donc tout laissé dans mon coffre, mais s'il y avait bien une chose que j'avais comprise, c'était que Théola s'était fait la promesse de veiller à ce qu'il ne m'arrive jamais rien, et que cette promesse, elle la tiendrait coûte que coûte.

La première réponse de Théola me fit tiquer, si bien que je clignai des yeux plusieurs fois de suite, me disant que j'avais sans doute mal entendu, que j'étais à côté de mes pompes, que j'étais fatigué par l'entraînement et soit j'avais rêvé sa voix, soit j'avais complètement déformer sa phrase au point d'en entendre une autre. Je la dévisageai sans mot dire, réalisant petit à petit que non, j'allais très bien, et mes oreilles aussi. Elle m'avait dit de mentir à Zack. Et puis quoi ? Je le faisais déjà, de toute manière je n'avais que ça à faire pour sauver mon fessier. Je ne répondis rien, attendant la suite. Il y en avait forcément une, même si elle tardait un peu à venir ; Théola avait forcément une bonne raison de me demander de la choisir plutôt que d'être fidèle à mon patron. Effectivement, Théola reprit la parole peu après en se mordant la lèvre, signe qui me mit sur mes gardes. En général, quelqu'un qui se mordille la lèvre, ce n'est pas bon signe.


Silence. La voix de la louve venait de s'éteindre et je fixais la jeune femme sans broncher, ahuri. J'éprouvais quelques difficultés à admettre qu'elle avait continué à me suivre malgré notre marché "comme ça", "sans raison". Pendant quelques secondes, le silence resta maître de l'air, jusqu'à être déchiré par une porte qui claquait, plus loin. Mon regard se détacha de Théola quelques secondes, alors que je vérifiais du regard, tendant l'oreille, que nous étions bien seuls. Enfin, je reportai mon attention sur la modificatrice, toujours aussi surpris par ce qu'elle venait de me dire.


« Théola, est-ce que tu es folle ? »


Les mots étaient sortis tous seuls de ma bouche. Je posai un instant les yeux sur mes chaussures, poussant un profond soupir en remontant les mains sur les hanches. Je reposai les yeux sur la louve, ne sachant trop comment réagir. J'avais imaginé toutes les situations possibles, sauf celle-ci, qui me paraissait de loin être la plus tordue.


« Laisse-moi t'expliquer. Tu suis un Hunter dans la forêt en sachant qu'il t'a remarquée, qu'il est armé et qu'il a déjà tué des gens comme toi. Tu lui causes de confiance, tu finis par accepter son marché, que tu romps volontairement sans excuse valable sachant que ce deal te permettrait d'être sûre que je ne te tuerais pas. Et maintenant, au cas où tu ne l'aurais pas remarqué, tu me demandes de faire un choix entre mon patron, et toi. Honnêtement, tu trouves pas ça un peu fou ? »


A ces mots, je croisai les bras sur mon torse, sourcils froncés. Théola avait forcément une excuse pour être allée à l'encontre de notre arrangement, car si elle n'en avait pas, j'étais tout bonnement en compagnie d'une cinglée bonne-parleuse qui voulait mourir de ma main, c'était évident...