Tout le monde était sorti. Malgré les récents évènements, les tragiques assassinats aussi bien chez nous que chez les Irlandais, j'avais refusé que la meute se cloître dans le QG comme un rat dans son trou. Nous n'avions pas à nous cacher ni à craindre ce qu'il se passait dehors, nous devions simplement être beaucoup plus prudents. Je poussai un profond soupir, la tête rejetée en arrière sur le canapé et les yeux fermés, les mains dans les poches de mon sweat. J'avais, de plus, besoin de faire régulièrement le tri dans ma tête depuis quelques temps, j'avais du mal à réaliser que Fenris avait placé le destin de la meute entre mes mains. Je l'avais déjà eue, cette responsabilité, par le passé ; mais il y avait une différence entre élaborer un plan en espérant qu'il ne soit pas contré par les ennemis, et diriger toute une meute constamment. Et puis, le décès de Lucie me met mal à l'aise vis à vis de Kaitlyn qui en souffrait, même si elle se répétait que sa mère était morte en étant heureuse pour se rassurer.


Je me levai pour me faire un café, le buvant rapidement dès qu'il ne fut plus trop chaud. Je sortis retournai alors dans le salon, réfléchissant, lorsque la porte d'entrée s'ouvrit et se referma doucement.


« Juliet ? Tu ne devais pas sortir aujourd'hui ? »


De dos, je me mordillais la lèvre inférieure. Je devais décider si je prenais un second, et si oui, qui. Et puis, je repensais à ce que Fenris m'avait dit très récemment, qu'il comptait prendre ses responsabilités de chef de meute et de reproducteur. C'était désormais mon devoir. Et la louve la plus puissante, c'était Juliet. Comment lui dire ?

La belle jeune femme s'avança vers moi, les bras croisés et scrutant mon visage. Je soutins son regard jusqu'au bout, impassible, mais dès qu'elle tourna les talons pour aller se servir un café, je fermai les yeux. Dans le regard de chaque membre de la meute, je voyais la tristesse d'avoir perdu deux proches, et pour les plus sensibles, j'y descellais le doute. Oui, certains doutaient encore de la possibilité d'atteindre notre but après avoir vu Lucie et Fenris, deux puissants lycanthropes, être ainsi mis hors course. C'était difficilement supportable et depuis quelques jours, je ne dormais tout simplement plus, me demandant à chaque fois ce que je pouvais bien faire pour les mettre en confiance. Seulement, avec Lilliana qui était rentrée blessée chez les Irlandais et Ema qui avait été assassinée par les Volturi, le moral était au plus bas chez les anciens Parjures.


Je fixais la table, les mains jointes, sous le regard de Juliet qui était revenue s'asseoir près de moi. De toute évidence, au son de sa voix, elle était inquiète pour moi. Il n'y avait pourtant aucune raison pour qu'elle le soit.


« Je t'attendais, en fait, mais je ne pensais pas que tu rentrerais si tôt. Il fallait que je te parle, mais je n'ai pas encore trouvé les bons mots. Je t'avoue que c'est pas facile. »


Je me mordillai la lèvre inférieure, roulant des pouces alors que j'avais l'impression d'avoir le cerveau qui fumait tant je réfléchissais pour trouver une phrase potable rapidement. Je jetai un coup d'oeil à la jeune femme avant de reprendre la parole.


« Fenris comptait t'en parler, mais comme il n'est plus là, la tâche me revient. L'Alpha de la meute a le devenir de la meute sur les épaules, il doit donc aussi se reproduire. Avec la louve la plus puissante de la meute. »


Silence. Il était inutile que je prononce son nom, Juliet avait parfaitement compris qu'elle était cette fameuse louve, et que si nous tenions chacun correctement notre rôle, j'étais censé la mettre enceinte. Cette simple idée me faisait vraiment bizarre, et ce serait certainement son cas aussi : et c'était l'exacte raison pour laquelle je ne l'avais pas encore regardée, je devinais plutôt bien qu'elle tête elle faisait.

La réaction de la jeune femme ne se fit pas prier. Sur le moment, je m'en voulais presque de l'entendre s'étrangler avec son café. Mais ce n'était pas comme si elle pouvait en mourir, et honnêtement, ce que je venais de lui annoncer la perturbait sans doute bien plus que le fait de cracher du café. J'attendis patiemment qu'elle se remette de ses émotions, regardant la pièce, pour finalement poser mon regard sur Juliet lorsque je l'entendis se calmer... Enfin, elle était toujours aussi perturbée, mais l'effet de surprise était plus ou moins passé, c'était déjà ça. Je hochai la tête, un léger sourire fleurissant sur mes lèvres.


« Oui je t'avoue que je peine aussi à t'imaginer maman. Mais d'un autre côté tu es déjà adorable avec Kaitlyn, après réflexion je ne pense pas que tu serais une mauvaise mère. »


A ces mots, une nouvelle pensée me traversa l'esprit. L'ambiance était quelque peu tendue et je ne voulais pas que cela reste ainsi, je ne voulais pas non plus brusquer Juliet, il fallait qu'elle prenne le temps d'y réfléchir. Mon sourire se fit plus franc tandis que mon regard malin se posa sur elle quelques secondes durant lesquelles il la provoqua.


« En fait, j'ai encore plus de mal à t'imaginer grosse vache que maman. »


A ces mots, je m'empressai de me relever du canapé pour éviter la gifle qui risquait fort de voler, m'emparant de ma tasse en me mordillant la lèvre.


« Je reviens, je vais me refaire un café. »


En voilà une bonne excuse pour filer dans une autre pièce. Mais d'un autre côté c'était aussi parce que j'en avais besoin. Depuis quelques jours j'enchaînais les nuits blanches et je savais que même si je ne pouvais pas mourir de fatigue, cela pouvait s'avérer dangereux puisque tout le sommeil que je ne prenais pas là, je le regagnerais à la pleine lune. Et dormir pendant une semaine entière sans défense était loin d'être la meilleure protection pour un alpha. Mais je ne pouvais pas non plus me permettre de faire une sieste en journée, pas maintenant, trop de gens comptaient sur moi.

Un léger rire franchit mes lèvres alors que la cafetière préparer mon café, la tasse prête à être remplie. Je connaissais à bien comprendre Juliet depuis le temps, fort heureusement - sans quoi je n'aurais probablement jamais pu esquiver la baffe qu'elle aurait aimé me mettre lorsque j'avais fait référence au poids qu'elle ferait et à son tour de taille en étant enceinte. Le café s'écoula dans la tasse et lorsque celle-ci fut pleine, je regagnai à nouveau le salon pour retourner m'asseoir face à Juliet sans craindre une quelconque gifle, l'envie ayant passé à la jeune femme.


« Tu sais, je n'ai jamais changé les couches à Kaitlyn moi non plus, de ce côté-là je suis au moins aussi débutant que toi. »


Je relevai un peu ma tasse pour souffler dessus afin que le café cesse de fumer ; il était imbuvable pour le moment malheureusement. Je le reposai sur la table basse en relevant les yeux vers Juliet, fixant mon regard au sien.


« Tu sais, d'un autre côté c'est peut-être l'occasion pour toi de goûter à la vraie maternité sans pour autant t'être engagée dans autre chose que le rôle de mère. Je pense que beaucoup d'hommes te fileraient leurs spermatozoïdes, t'aideraient à élever l'enfant sans te demander en échange de coucher avec eux. »


Je portai le café à mes lèvres, le reposai sur la table avant d'esquisser un léger sourire, reportant mon attention sur Juliet.


« Ou plutôt, te demander en échange une relation sérieuse. »


... Ce fin de phrase me paraissait plus approprié dans la mesure où Juliet et moi couchions déjà ensemble ; et ce n'était pas parce qu'un potentiel enfant viendrait au monde que cela devrait cesser, sans pour autant qu'il y ait un attachement autre que celui que l'on avait déjà...

J'écoutai attentivement la jeune femme, qui se confiait à moi, me laissant lire en elle comme dans un livre ouvert. Pendant tout le temps où elle me parla, je la fixais, je ne bronchais pas, ne la coupais pas. Elle se confessait et cela me faisait plaisir de la voir me parler, car c'était quelque chose qui me semblait crucial dans une meute en période de crise : la discussion. Lorsqu'elle eut fini, je baissais les yeux vers la main qu'elle avait posée sur mon genou. Je pris alors sa main et me relevai, venant m'asseoir à côté d'elle.


« Juliet, tu n'es pas seule. Je conscience de ce que je te demande et je sais que ce serait un grand pas à franchir pour toi, tu briserais même probablement une promesse que tu t'étais faite, celle de ne jamais avoir d'enfant. Je sais que c'est une décision difficile pour toi et je ne tiens pas à te forcer la main, tu auras le temps qu'il te faudra pour y réfléchir et je veux que tu sois certaine de ta décision. »


Quels mots utiliser ? Je les laissais venir d'eux-même, parlant simplement avec franchise et laissant mes yeux fixer ceux de la jeune femme alors que je serrais doucement sa main.


« Mais aujourd'hui tu as Eclipse, tu as une famille et tout le monde fera son nécessaire pour t'aider. Je sais ce que c'est. Franchement, tu m'imaginais père ? Un beau soir, je suis sorti prendre l'air parce que j'arrivais pas à dormir, et j'ai retrouvé Lucie devant la porte tenant la main à une gamine qui avait mes yeux et m'a appelé "papa" en me voyant. Ça fait peur. »


A ces mots, je baissai les yeux, venant appuyer mes lèvres sur nos mains liées, pensif. Ce soir-là, Lucie avait été dans tous ses états, partagée entre la joie de m'avoir retrouvé et la colère de me voir profiter de la vie alors qu'elle misérait pour s'occuper de notre fille depuis des années. Cette nuit-là également, Kaitlyn m'avait vu me passer la tête sous l'eau, et même sans être dans sa tête, je savais qu'elle avait compris que sa présence me choquait et m'effrayait - les pires sentiments qu'un enfant puisse ressentir de la part d'un de ses parents. Un léger sourire se dessina sur mes lèvres alors que je reprenais la parole.


« Tout ça pour dire que toute la meute te soutiendra. Et je te promets que ça ne changerait rien à tes missions, parce que je sais à quel point c'est important pour toi de les avoir. Ce n'est pas parce que j'ai Kaitlyn que je suis moins actif pour la meute qu'avant, et ce n'est pas parce que je la confie à quelqu'un quand cela me parait nécessaire que j'ai l'impression d'être un mauvais père. On a besoin de moi, et on a besoin de toi aussi. Même si tu voulais devenir mère au foyer je ne t'y autoriserait pas. »


Mon sourire se fit amusé alors que je lâchais enfin sa main. J'espérais qu'elle avait compris le message ; elle n'était pas forcée et garderait le même rôle que celui qu'elle avait actuellement.

A la remarque de la jeune femme, j'eus grand peine à retenir le rire qui me chatouillait la gorge, si bien que malgré la vigueur avec laquelle je me mordais la lèvre, je ne pus m'empêcher de pouffer discrètement, me raclant la gorge immédiatement après et feignant l'innocence. C'est vrai que c'était tordu comme idée et quand Fenris m'en avait parlé, j'avais peiné à l'imaginer en plein acte sexuel. Avouons-le, c'était un bourrin qui n'avait jamais aimé qui que ce soit ; alors à moins d'avoir violé une fille par le passé, j'étais presque sûr qu'il était encore vierge, ce qui aurait fait doublement bizarre à Juliet.


La jeune femme revint alors que j'avais récupéré mon café pour finalement me rasseoir au fond du fauteuil, portant la tasse à mes lèvres avant de hocher la tête à la question de Juliet.


« Ça dépend de toi, de là où tu en es avec ta pilule, de tes prochaines règles ? »


Je bus une nouvelle gorgée de café, ce qui me fit un bien fou. Il était encore brûlant, il me réveillait et me permettrait à coup sûr de tenir jusqu'au soir. J'attendais impatiemment le jour où toutes les heures de sommeil perdues reviendraient soudainement et me feraient tomber comme ne masse sur le lit, pour m'assommer pendant plusieurs heures au cours desquelles je serais, enfin, apaisé.

Je relevai les yeux vers Juliet en l'entendant prendre la parole. Il était vrai que c'était plutôt étrange que je lui pose ces questions-là, et puis, nous avions un certain air détaché puisque nous n'étions pas un couple. Entre nous, je ne saurais pas trop dire si cela nous aidait, ou au contraire si cela nous gênait davantage.
J'entourai ma tasse de café de mes mains pour me réchauffer, songeant que le froid avait définitivement atteint Forks et qu'il était temps de mettre le chauffage. Je poussai un profond soupir avant de me passer une main dans les cheveux.


« Je doute que mes minis-Morgan soient très vigoureux, vu le quota de sommeil que j'ai depuis quelques semaines, alors ne soyons pas pressés. Tu crois qu'ils profitent aussi du café que je bois ? »


Un léger sourire naquit alors sur mes lèvres alors que je laissais retomber mon bras sur le canapé. C'était étrange, j'avais beau avoir dit à Juliet que rien ne changerait être elle-même quelle que soit la décision qu'elle prenait, j'avais l'impression de me tromper ; pire, que ça commençait déjà.

La jeune femme vint tout contre moi, ce qui m'arracha à mes pensées et me décocha un sourire. La voyant ainsi recroquevillée sur le canapé, partagée entre le froid, la fatigue et certainement la peur, je n'eus qu'une réaction possible : passer un bras autour de ses épaules et déposer ma joue sur ses cheveux, fixant le mur devant nous avant de fermer les yeux en l'entendant prendre la parole.


« Rien ne changera. »


Peut-être avais-je fait cette promesse pour me convaincre moi-même ? Je n'étais sûr de rien. On allait être parents, désormais lorsque l'on coucherait ensemble nous ne penserions plus à la même chose, c'était se voiler la face que dire le contraire, mais j'en avais pour le moment au moins autant besoin qu'elle. Je savais au plus profond de moi que cette discussion que l'on venait d'avoir, elle allait nous changer. On ne se verrait plus de la même manière, du moins pas totalement, même si globalement nous allions rester Juliet et Morgan. Je la serrai un peu contre moi, tâchant de ne pas y penser, pour finalement me redresser.


« Regarde. »


Un seul mot, un seul. Je me relevai, étirant les jambes de Juliet pour venir me mettre à califourchon sur elle en arborant un regard malicieux et provocateur.


« Je t'aurais déjà prise sur le bar de la cuisine s'il n'y avait pas le risque que quelqu'un rentre alors qu'on est dans le feu de l'action. Par contre, nos chambres sont libres. Le café fait son effet. »

Voir Juliet se dévêtir seule me fit sourire, si bien que je ne réagis pas lorsque cette dernière empoigna mon sweat en me traînant avec elle vers vers les escaliers, vêtue uniquement de son jean et d'un soutif. A sa phrase faisant allusion à ma fille, une lueur de lucidité me revint quelques secondes, si bien que je repoussai doucement Juliet le temps de récupérer le débardeur qu'elle avait laissé par terre. Je revins vers elle, malicieux et souriant.


« Elle ne nous verra pas, mais je voudrais éviter qu'elle imagine... Elle est encore trop jeune. »


A ces quelques mots, j'accompagnai Juliet dans les escaliers, l'embrassant dès que le premier étage fut atteint, glissant mes doigts dans ses cheveux et la plaquant contre un mur. Mes lèvres vinrent embrasser son cou tandis que la température de nos deux corps augmentait. Je finis par poser mon front contre le sien, frôler ses lèvres avec les miennes.


« Джульетта, я хочу, чтобы ты. »


Mon regard se planta dans le sien, le sondant un instant avant qu'un nouveau sourire ne vienne étirer mes lèvres, un sourire complice comme on en partageait tant depuis des années. Sans un baiser de plus, je lui attrapai la main et entrai dans ma chambre, jetant son débardeur sur le sol, retirant mon sweat efermant la porte derrière nous avec le pied.