Cela faisait plusieurs jours que je me sentais observé. Pourquoi ? Allez savoir. Il m'était arrivé à de nombreuses reprises de sentir des yeux braqués sur moi, et lorsque j'étais en dehors de la ville, entendre des bruits ; craquement de branches, bruissements de feuilles... Quelqu'un m'observait et je le savais. Ou plutôt, quelque chose. Ce n'était pas humain, j'en avais conscience. Je savais que mon statut de hunter m'exposait grandement aux dangers et je les avais acceptés, pourquoi je n'avais pas l'impression que ce loup me veuille du mal ; autrement, il l'aurait déjà fait lorsque l'occasion s'était présentée.


Alors, j'avais décidé de le tester. La nuit commençait à tomber, moment où toutes les créatures surnaturelles étaient de sortie, prêtes à bondir sur leur proie pour se nourrir, déchiqueter de nouvelles victimes et devenir plus cruelles encore qu'avant le meurtre précédent mais toujours moins qu'après le prochain. Je les détestais, l'idée de mourir dévoré me répugnait mais au moins, mon existence aurait servi à quelque chose, j'avais sauvé des vies en en détruisant certaines et c'était tout ce qui m'importait. Ma veste en cuir sur les épaules pour ne pas être mordu par la brise, j'avançais d'un pas sûr jusqu'à la forêt, imperturbable mais les sens aux aguets tout de même. Je finis par être surplombé de feuillages, passant au-dessus de trous et troncs d'arbres sans jamais m'arrêter. Après quelques minutes de marche, je sentis sa présence. Je fronçai légèrement les sourcils mais ne bronchai pas, continuant mon chemin afin d'avoir la confirmation qu'il s'agissait bien du loup qui me suivait depuis un moment déjà, et non d'un autre. Lorsque je fus arrivé à quelques mètres de la clairière, rien ne changea. Je décidai alors de m'arrêter, et je fis volte-face, surprenant sans doute la créature en plantant mon regard dans le sien, sourcils froncés. Je ne dis rien pendant un moment, avant d'enfin prendre la parole, sortant les mains des poches pour être prêt à me saisir de mon arme en cas de problème, ce que je faillis faire en entendant le feulement mais je m'abstins.


« Je sais que tu me suis, que tu m'observes. »


Je fronçai davantage les sourcils, observant ses yeux et essayant de me rappeler si je les avais déjà vus quelque part, mais rien à faire. Je n'avais aucune idée de l'apparence humaine que pouvait adopter ce loup.


« Pourquoi ? »

A mes premiers mots, le loup s'approcha doucement, émettant un léger feulement qui ne se voulait apparemment pas menaçant. Pourtant, cela restait le feulement d'un loup de deux mètres, qui plus est qui s'avançait vers moi. Je me tus, fixant le loup sans rien dire et tâchant de maîtriser mon coeur dont les battements s'accéléraient. Je n'étais pas un Hunter depuis très longtemps, me retrouver dans une telle situation ne faisait pas encore partie de mes habitudes et j'espérais grandement qu'il était possible de s'y habituer. Je savais à quel point les monstres contre lesquels je me battais étaient puissants, modificateurs, vampires, lycans... Tous avaient leur force et moi, simple humain, je ne pouvais pas faire grand-chose en duel. Pourtant, je finis par me maîtriser à nouveau, réussissant à garder une voix neutre, fixant encore et toujours ces deux grands yeux. Je parvins à lui demander la raison pour laquelle il me suivait, m'observait, voire me protégeait. Je n'ignorais pas les dangers de mon métier, et je m'étais même déjà étonné de ne pas m'être retrouvé avec des complications sur le dos. La présence quasi constante d'un modificateur décourageait certainement d'éventuels prédateurs, mais cela n'expliquait pas l'intérêt qu'il me portait. S'il voulait me tuer, il l'aurait déjà fait. Mais il restait un monstre. Alors j'avais du mal à comprendre ce qui le poussait à s'intéresser à moi.


Suite à ma question, le loup se détourna, se rendant derrière un buisson. De là, dès que je vis la mutation débuter, je me sentis obligé de détourner le regard. Par pudeur ? Allez savoir. Pouvait-on parler de pudeur alors qu'un inconnu me suivait depuis des jours et épiait le moindre de mes faits et gestes ? Je fixais le sol, le parterre de feuille craquait à chacun de nos mouvements pour nous rappeler que l'automne était là. Et à cet instant précis, je crus manquer d'air, lorsqu'une voix féminine s'éleva dans l'air.


« S'il te plait... Je pourrais avoir ton t-shirt...? »


Je relevai vivement les yeux, mon regard bleu se plantant dans celui, similaire, de la jeune femme. Je ne l'avais jamais vue, je m'en serais souvenu, dans le cas contraire. Je restai un moment sans rien dire, surpris ; pour une raison qui m'échappait, je m'étais dit depuis le début que le loup qui me suivait était de sexe masculin. Je tombais de bien haut.


« Bonsoir.. »


Je finis par me souvenir qu'une fois sous forme humaine, les modificateurs n'avaient plus leurs vêtements, et que si la jeune femme paraissait aussi gênée c'était probablement parce que je la fixais depuis plusieurs secondes alors qu'elle était nue, même si cachée derrière un buisson. Je m'activai alors, retirant ma veste en cuir, puis mon tee-shirt, me retrouvant torse nu en pleine forêt. Il ne faisait pas très chaud, mais vu la température élevée de son corps, se couvrir pour avoir moins froid était certainement le cadet de ses soucis. Je lui lançai mon tee-shirt pour qu'elle le rattrape avant de remettre ma veste ; au moins j'aurais aussi quelque chose sur le dos, même si je n'avais rien en-dessous. A ce même instant, je réalisai que je venais de passer mon tee-shirt à une louve, un monstre. Mais où avais-je la tête ? Il était trop tard pour le récupérer désormais. Enfin, remarque, j'aurais probablement aussi été très gêné à l'idée de parler à une femme complètement nue, même si je ne la voyais presque pas ; rien que de savoir qu'elle l'était s'avérait être perturbant.


Je ne dis pourtant rien d'autre... Peut-être aurait-il fallu que je parle, que je cherche à lui dire quelque chose, à faire voler en éclat la gêne provoquée par sa nudité et sa mutation ; mais non, je voulais des réponses. J'avais demandé la raison pour laquelle elle me suivait et j'attendais sa réponse, c'était ce qui m'intéressait ; savoir si elle travaillait pour quelqu'un, si oui quel était le but de sa mission... ou si c'était plus personnel, je n'en savais rien. Désormais, la surprise provoquée par l'apparence humaine de la louve était passée et je me re-concentrais sur mon but, sur ce que j'étais, et ce qu'elle était : un hunter face à une modificatrice.

La jeune femme, après avoir enfilé mon tee-shirt, sortit de derrière le buisson. Je fis attention à ne pas avoir une nouvelle fois le regard trop insistant, me contentant de soutenir son regard, qui s'était plongé dans le mien, semblant le sonder pour savoir quels mots utiliser. Elle me suivait depuis un moment, elle savait donc ce que j'étais, qui j'étais. Elle savait que mon visage d'ange n'était qu'une apparence, que j'étais en réalité un démon avide de vengeance et la vigilance dont elle faisait preuve me le montrait. Je détaillai un moment son regard ; il était exactement le même lorsqu'elle était transformée. De grands yeux bleus, cerclés de bleus de plus en plus foncée au fur et à mesure que l'on se rapprochait de la pupille. Des yeux magnifiques, entre autre.


« Je ne te veux absolument aucun mal Andy. Oui, je connais ton prénom, je connais beaucoup de chose sur toi. C'est bizarre je sais.»


Je tiquai, mais ne bronchai pas. C'était très perturbant de se retrouver face à quelqu'un dont on ne connaissait rien, alors qu'elle connaissait presque tout de vous. Oui, cette fille connaissait presque tout de moi, puisqu'il n'y avait pas énormément à dire sur ma vie, j'étais persuadé qu'elle connaissait déjà l'essentiel. Mais des tonnes de questions me trottaient désormais dans la tête ; me suivait-elle depuis que je l'avais remarquée ? Ou depuis bien plus longtemps ?


« Je sais ce que tu fais et je suis sure que d'avoir muter ainsi devant toi m'expose à des centaines et des milliers de danger. Mais je sais me défendre, ce n'est pas là le problème et ce n'est surement pas ce que tu veux entendre.»


Là encore, je ne bronchai pas. Elle avait raison, je la connaissais désormais sous ses deux formes et si l'envie m'en prenait, je pouvais dévoiler son existence à Zack, ou à William. Mais elle ne connaissait que William, et encore.


« Je comprend ta haine contre les vampires et toutes les autres espèces surnaturelles. Crois moi, je te comprend vraiment. Mais tu t'exposes à énormément de danger en faisant ça, même moi j'en cours beaucoup. Tu oublies juste une chose, toutes les créatures ne sont pas mauvaise et nuisible, bien au contraire. Si je voulais te tuer, je l'aurais fais, or ce n'est pas le cas.»


Là-dessus, j'arquai un sourcil et décidai d'enfin répondre.


« C'est tellement facile. Tu sais beaucoup de choses sur moi, la réciproque est fausse. Tu espères quoi de moi ? Que je te prenne dans mes bras en te disant que ce n'est pas de ta faute si tu es un monstre et que je te pardonne ? »


Je baissai un instant les yeux, prenant une grande inspiration pour ravaler mon cynisme avant d'enfin regarder à nouveau l'inconnue.


« Je ne te connais pas. Je ne sais rien de toi, je pourrais aussi très bien me dire que tu as un chef, qui t'a demandé de m'observer, chercher mes faiblesses et tenter de les contrer. Rien ne me dis que si tu ne m'as pas tué jusqu'à maintenant, ce n'était pas pour me mettre en confiance ; je ne peux pas avoir la certitude que tu n'essaieras pas plus tard. »

« Oui, en effet, je travaille pour quelqu'un et je suppose que toi aussi. Il ignore mes mouvements, il ignore que je te suis. Je ne t'espionne pas pour tes faiblesses, bien que ça serait tout à fait mon genre. »


Oui je travaillais pour quelqu'un, tout du moins j'apprenais à travailler pour William. J'étais suffisamment obnubilé par ma vengeance que parfois j'oubliais l'esprit d'équipe dont voulaient faire preuve les Hunters, j'appartenais à une équipe que j'avais intégrée pour venger Eddie. Mais mes équipiers se fichaient pas mal de ma défunte petite amie, alors il y avait toujours un gouffre, entre eux et moi, même si nous avions des histoires semblables ; après tout la plupart des adhérents aux Hunters avaient souffert à cause des créatures surnaturelles, sans quoi, à moins d'être quelqu'un de naturellement haineux, on ne pouvait pas vouloir les éradiquer jusqu'à la dernière.


« Je ne te tuerais pas. Je ne tue pas les gens, je n'ai pas assez de force mentale pour faire ça. »


Je cillai, mais ne répondis pas. Elle n'avait jamais tué personne ? Ce n'était pas crédible. Elle était une louve, une prédatrice ; tuer était dans sa nature.


« Je m'appelle Théola, je suis une modificatrice depuis 3 ans et je ne viens pas d'ici. Un vampire a voulu tué ma mère quand j'avais 17 ans, il l'a pourchassé et cela a déclencher ma transformation. Un autre vampire a osé tuer mon protégé, ce vampire se trouve désormais 6 pieds sous terre. »


Je fourrai une main dans mes poches, sortant un paquet et un briquet. Je pris une cigarette, l'allumai après l'avoir coincée entre mes lèvres, pour finalement tout ranger à nouveau.


« Si tu es une modificatrice et que ton chef ignore tes faits et gestes, c'est que, j'imagine, il n'est pas de la même nature que toi. Dankirk ? Peu importe. »


Je tirai une latte avant d'expirer profondément, rebaissant le bras et balayant les alentours du regard.


« Et tu vas me faire croire que tu n'as pas enfin de faire la peau à tous les vampires que tu croises, pour ce qu'ils ont fait subir à toi et ton entourage ? »


Je me rapprochai d'elle, effectuant un pas, et encore un, jusqu'à finalement m'arrêter à seulement quelques centimètres d'elle. Elle était plus petite que moi, mais pas suffisamment pour que j'aie à baisser la tête ; tant mieux, je n'aurai pas à me faire mal à la nuque. Je portais une nouvelle fois la cigarette à mes lèvres, laissant ensuite échapper un nuage de fumée d'entre mes lèvres.


« Ne me fais pas la morale, Théola. C'est un loup qui a tué Eddie. Ce que tu ressens envers les vampires, je l'éprouve envers vous. »

« Je te la ferais pas la morale. Juste, les loups ne sont pas tous mauvais. Je ne suis pas forcement battis pour tuer les humains, je ne les touche pas, au contraire, je les protège. Je battue pour tuer les vampires, j'ai la carrure nécessaire pour me battre contre eux. La bataille n'est pas pour moi, je n'aime pas ça, mais c'est vrai que je désire éliminer les vampires nuisibles. Je sais très bien que certains sont bons, comme les loups. Je ne suis pas mauvaise Andy, crois moi. Je ne te toucherais jamais comme je n'aurais jamais toucher Eddie. Je vous aurais protéger si votre vie était en danger parce que c'est pour ça que j'ai ses dons, pas pour faire le mal autour de moi. »


Je fronçai les sourcils, incapable de savoir si elle me disait la vérité ou si c'était seulement un numéro qu'elle avait répété encore et encore. La méfiance m'avait envahi et me hurlait de m'éloigner d'elle, de la menacer, de sortir mon revolver et lui tirer dessus pour éviter que ce ne soit moi la victime. J'en mourais d'envie, mes doigts étaient presque anesthésiés par les fourmillements que je ressentais à leurs extrémités. Je me sentais départagé entre l'envie de croire à ce qu'elle me racontait, et l'envie de lui tirer une balle dans la tête pour qu'elle se taise et cesse de semer le trouble dans mon esprit. La peur, l'ignorance, l'indécision, qu'y a t-il de pire lorsqu'on veut exterminer une race ? Ce n'est pas un luxe que l'on puisse se payer, une seule faille et tout pouvait s'écrouler. Je fixais la jeune femme, silencieux et le visage fermé, imperméable mais écoutant malgré tout ce qu'elle avait à me dire. J'étais peut-être têtu, mais pas sourd, ni gamin, aussi étais-je ouvert à une éventuelle discussion.


« Je ne veux pas déshonorer mes ancêtres bien que les temps ont changé depuis leur ère. Je tuerais des loups si il le faut, des vampires aussi. Mais jamais, au grand jamais, je ne toucherais à un cheveux d'un humain. Je ne m'abaisserais pas à ça. »


Je baissai les yeux vers le pendentif avant de relever le regard vers celui de la jeune femme, l'observant un moment. Je savais quelle était l'origine des modificateurs : protéger les humains des vampires. Et pourtant, je savais aussi que beaucoup d'entre eux se détournaient de leur rôle originel et tous représentaient donc une menace. Après tout, tant qu'ils n'avaient pas décidé de vieillir, ils ne vieillissaient pas, et représentaient donc une menace pour l'humanité, à partir du moment où ils avaient autant de temps devant eux pour changer d'avis.


« Quelle délicate attention. Mais nous savons désormais que vous et les vampires existez, nous savons à qui nous avons affaire et nous nous équipons comme il se doit pour être en mesure de nous défendre seuls. L'indépendance est la marque de l'être humain, jusqu'à présent nous avons toujours su nous débrouiller tout seul et nous continuerons. »


Sur ces mots, je reculai un peu pour aller m'asseoir sur un tronc d'arbre sur le sol. J'avais marché toute la journée, et avant que mon hyperactivité ne reprenne le dessus, je voulais rester assis pour profiter de ce court instant de répits que la vie m'offrait.


« Tu n'es pas aussi innocente que tu veux bien le faire croire. Pour te défendre, tu serais capable de tuer un être humain. Peut-être pas moi en étant seul, si je sortais mon flingue et que je le pointais sur toi, je parie que tu te contenterais d'esquiver ou même de t'enfuir. Mais si nous sommes plusieurs, ne va pas me faire croire que la légitime défense ne serait pas ta réaction. »


Je me risquai à baisser les yeux, fixant un moment le sol alors que ma cigarette se consumait doucement entre mon index et mon majeur.


« Et puis, entre nous, tu ne tues peut-être pas mais tu espionnes quand même et s'immiscer dans la vie privée des gens, ça peut être carrément mal vu. Je ne veux pas que tu me protèges, maintenant que c'est clair entre toi et moi, tu n'as plus aucune raison de me suivre j'imagine. »

« J'espionne parce que c'est mon job. Je suis faite pour ça, je sais m'imisser dans les plus petits endroits et à m'y faire une place parce que je suis une manipulatrice et une menteuse. C'est des qualités pour être à cette place. J'ai beau être ce que je suis, là, tout de suite, je fais tout pour te dire la vérité. Je veux que tu ai confiance en moi, bon, ca risque d'être compliqué après ça m'enfin bon. Je ne suis pas mauvaise, je veux juste le bien autour de moi et je ne suis pas assez qualifiée pour faire régner la paix par moi même. Je suis juste celle tout en bas. »


Une question me traversa l'esprit alors que je relevai les yeux vers elle en l'entendant prononcer ces paroles. Avait-elle au moins conscience de ce qu'elle était en train de me dire ? Elle m'avouait très clairement qu'elle était une professionnelle de la manipulation, du mensonge et toutes ces conneries, et elle espérait gagner ma confiance ? Quelle drôle d'idée. Cette fille, Théola, était carrément tordue mais en même temps j'avais l'impression qu'elle ne me mentait pas. Enfin, ce n'était qu'une impression et je savais bien que j'étais loin de posséder un sixième sens qui me permettrait de m'appuyer sur de simples idées abstraites ; je savais ce que les loups pouvaient faire, et faisaient pour la plupart, je ne pouvais pas simplement me dire qu'elle avait l'air gentille et que j'allais donc lui faire confiance. Après tout, son job était d'embobiner les gens, et je ne voyais aucune raison plausible pour laquelle je ferais exception à la règle. J'étais un hunter, elle le savait, il me paraissait donc évident que si elle tâchait d'être aussi aimable avec moi c'était pour gagner ma confiance et mieux me poignarder ensuite. Tous les éléments étaient là ; elle m'avait suivi, observé, s'était renseignée sur moi, et tentait désormais de me convaincre en utilisant des arguments héroïques, tel que la vengeance de son précédent protégé. J'étais le nouveau ? Je n'en avais pas envie, je haïssais les loups pour ce qu'ils avaient osé faire à Eddie trois mois auparavant et il était hors de question que je sois protégé par l'un d'eux.


« Si tu souhaites que j'arrête de te suivre, faut que tu me prouves que je peux avoir confiance en toi et que tu ai confiance en moi. Faut que t'arrêtes avec ses apprioris sur les loups, on est pas tous pareil, merde quoi! »


Je la fixai un instant, silencieux, avant de détourner le regard pour tirer une dernière latte sur ma cigarette, fixant les arbres loin devant moi. J'écrasai le mégot et finit par soupirer longuement, laissant la fumée grisâtre s'échapper de mes poumons pour aller pourrir un peu plus l'atmosphère.


« Tu es têtue. On fait une belle paire. »


Je me passai une main derrière la nuque avant de prendre appui avec mes bras sur le tronc d'arbre, relevant les yeux vers Théola.


« Je suis très long à faire confiance et sachant que tu es une louve, ça relève de l'impossible alors sois gentille et arrête de m'engueuler. Je vous déteste et je ne peux pas laisser s'évanouir cette haine parce que tu me le demandes. Je te demande d'arrêter de me suivre, oui, mais en quoi la confiance est-elle nécessaire ? On peut pas juste partir chacun de notre côté et faire comme si on s'était jamais vus ? »


Je marquai un silence avant de reprendre, insistant.


« Au cas où tu ne l'aurais pas remarqué, j'ai un flingue à ma ceinture, sauf que je l'ai pas montré et je t'ai passé mon tee-shirt. Le moins qu'on puisse dire c'est que je suis loin de t'avoir menacée de mort, et là, tu vois, c'est le maximum que je peux faire et je ne le ferai pas à chaque fois. Ça suffit pas ? »

Je fixai la jeune femme dans les yeux, observant ses réactions, les expressions qui se succédaient sur ses traits fins. A quoi pensait-elle ? Que voulait-elle réellement ? Avait-elle un but précis ? Est-ce qu'elle attendait quelque chose de moi ? Essayait-elle de sympathiser avec tous les Hunters ? Toutes ces questions, et bien d'autres encore, ne faisaient que se succéder dans ma tête sans jamais trouver de réponse. Je ne savais pas ce qui poussait cette jeune femme vers moi, ce qui la poussait à me demander de lui faire confiance alors que je n'avais aucune raison pour. C'était étrange comme situation, je n'avais jamais pensé pouvoir me retrouver dans une impasse comme celle-ci, où la violence n'était pas au rendez-vous mais où la colère ne m'avait pourtant pas quitté.


« Je l'avais vu. J'en voulais un, mais on a pas voulu m'en passer un, je suis trop jeune il parait, m'enfin bon. Oui, tu m'as passé ton t-shirt et tu ne m'as pas tuer, et je t'en remercie d'ailleurs. Même si surement que la gâchette te démange... »


Je ne répondis rien sur le moment, la fixant seulement avant d'enfin détourner le regard pour fixer le sol. Oui, j'avais eu envie de la menacer et là, j'avais une forte envie de nicotine, mais je résistais. Mes mains commençaient à trembler un peu, signe que l'heure de prendre mes cachets était dépassée déjà. Flûte. Je poussai un profond soupir, fourrant les mains dans les poches de ma veste dans l'espoir de calmer ces tremblements incessants et cette irrévocable envie de bouger qui me rongeait de l'intérieur. Je me relevai, faisant face à Théola, sortant une main des poches pour me la passer dans les cheveux, puis sortant la deuxième pour les fourrer dans les poches de mon jean. Il fallait que je me calme, mais bon... une maladie est une maladie, il est difficile de lutter contre.


« La gâchette m'a démangé, en effet. Elle le fait toujours. Alors, si tu as peur de te retrouver avec une balle dans le coeur un matin, laisse-moi te proposer quelque chose. »


Je me rapprochai encore un peu, bien que la jeune femme se soit éloignée. Elle sentait, elle aussi, que la situation tournait à mon avantage et il était évident que ce point lui déplaisait fortement. Cependant, je n'allais pas lui faire de mal.


« J'aimerais que tu arrêtes de me protéger comme une mère surveille un bébé. Si je dois crever, alors je crèverai. C'est humiliant pour moi d'être protégé par une des créatures que je chasse. En échange, je ne te chasserai pas. »


Je sondai son regard, me mordillant la langue et marquant un silence pour à nouveau expirer profondément, envahi par une envie grandissante de bouger, que ce soit pour retourner m'asseoir sur le tronc d'arbre, me relever, tourner en rond ou tapoter le pied tout en parlant. Il était difficile de résister mais je savais à quel point cela pouvait être énervant pour la personne en face de moi de me voir bouger sans arrêt.


« Cela ne signifie pas que j'empêcherai mes collègues de s'en prendre à toi, en revanche. Mais au moins je ferai comme si tu n'existais pas, tant sous ta forme humaine que louve. Je ne sais pas qui tu es, je ne le saurai jamais et je ne m'en prendrai jamais à toi. Marché conclu ? »


C'était idiot mais j'espérais pas, au fond de moi, une réponse particulière. J'espérais juste qu'elle me répondrait rapidement pour rentrer chez moi et prendre mes cachets, comme un idiot je n'en avais pas pris avec moi. Tête en l'air quand tu nous tiens...