Assis sur un banc de la place centrale, les mains dans les poches de ma veste, j'attendais en me mordillant la lèvre inférieure, balayant les alentours du regard. L'après-midi touchait à sa fin et les gens commençaient tous à rentrer chez eux. Ce soir était la pleine lune, tous rentraient chez eux pour se barricader dans leur maison, hormis quelques inconscients, souvent des jeunes. Je jetai un nouveau coup d’œil au sms de Kasey que j'avais reçu, intrigué. Dedans, elle m'ordonnait littéralement de la retrouver sur la place centrale de Forks à 19h30. Et pour qu'elle me contacte avant une nuit de pleine lune... Qu'est-ce qui lui passait par la tête ? J'avais laissé aux Quileutes, Jacob ayant accepté avec plaisir que je lui confie Kaitlyn lorsque la transformation opèrerait, non sans m'inquiéter de l'absence de nouvelles de la part de Juliet. Il n'était pas dans ses habitudes de disparaître dans la nature sans me dire où elle allait ni pourquoi, et encore moins de ne pas donner signe de vie peu avant la pleine lune. Elle n'était pas venue chercher ses affaires et cela laissait place au doute au fond de moi, j'avais le pressentiment que cette absence n'avait rien pour me plaire.


Je baissai les yeux vers mon sac d'affaires. Je ne savais pas ce que me voulait Kasey, ni le temps que cela nous prendrait, alors j'avais préféré emmener des affaires avec moi, ainsi je n'aurais pas à repasser par le QG d'Eclipse. J'avais tenté le sarcasme dans mes réponses, taquinant Kasey en lui disant qu'il n'était peut-être pas très prudent de vouloir batifoler quelques heures avant le levé de la lune mais elle avait répondu avec on ne peut plus de sérieux. Je poussai un profond soupir en me redressant, appuyant mes coudes sur mes genoux et me prenant la tête dans les mains. Je commençais à être légèrement nerveux, bien que les nuages cachent la lune, je sentais sa présence, je savais qu'elle était en haut, pleine, ronde et lumineuse, qu'elle ne tarderait pas à causer la transformation de tous les lycanthropes ici présents.


Je relevai à nouveau les yeux, cherchant Kasey mais rien à faire, elle n'était toujours pas là. quelques voitures passèrent, les derniers magasins fermèrent et les rares gens dehors s'empressèrent de rentrer chez eux, non sans jeter quelques regards inquiets au niveau du ciel. Certains se demandaient sûrement quand cesserait ce cauchemar, d'autres étaient inquiets pour leur entourage, d'autres espéraient vivement rentrer chez eux à temps. Je faisais partie des lycanthropes alors je peinais à imaginer la peur qu'ils pouvaient ressentir ; cependant je savais que moi-même j'aurais été terrorisé si j'avais entendu les hurlements des loups s'élever dans les airs alors que j'étais sur le chemin du retour. Ce qui me faisait le plus de bien actuellement, c'était de ne sentir aucune odeur de vampire alors qu'en temps normal, ça pullulait. Les vampires semblaient s'être multipliés ces derniers mois et c'était tout, sauf pour me plaire. Une odeur familière finit par me parvenir, si bien que mon regard se posa sur Kasey, qui s'approchait de moi à grandes enjambées. Je me levai, arquant un sourcil et lui adressant un regard interrogateur.


« Kasey, quelque chose ne va pas ? »

Je ne savais pas si je tremblais de rage contenue ou de la fièvre qui commençait à monter, précédent ma transformation imminente, mais le cumul des deux était assez explosif. L’un m’abattait totalement, et l’autre me donnait l’impression que je pourrais démolir un immeuble à moi toute seule. Mais ce n’était pas un immeuble que j’avais envie de démolir. Plutôt la jolie petite gueule d’un lycan positivement insupportable qui venait de se foutre de la gueule du monde pendant des semaines. Je crois bien que j’allais le tuer. Mes mains tremblaient sur le volant, sans que je puisse dire à quoi exactement il était dut se tremblement. Moi qui était toujours si calme, qui prenait le temps de réfléchir à mes actions et ne les faisais qu’après avoir murement posé le pour et le contre, je crois que sans réfléchir, si je croisais Morgan maintenant, je lui mettrai mon poing dans la figure. De nous deux, il était largement le plus fort, il n’y avait pas à en douter, mais l’adrénaline m’aurait fait pousser des ailes, j’en étais presque certaine. Je lui avais donné rendez-vous sur la place centrale, assez fréquentée, et en même temps assez proche des voies d’accès à l’extérieur de la ville pour pouvoir aller se transformer tranquillement sans risquer de se faire capter par la totalité de la ville, ce qui aurait été vraiment dommage. Vraiment. S’il assumait totalement sa lycanthropie, allant jusqu’à la revendiquer en la criant presque à la face du monde, ce n’était pas mon cas. Je n’étais pas encore prête à franchir un tel pas.

Mais comment avait-il pu être stupide à ce point ? J’avais du mal à le concevoir. Peut être qu’il ne savait pas qu’Ashley et moi nous connaissions mais cela ne changeait rien. Il aurait dut me le dire. Me dire qu’il sortait d’une relation. Elle ne semblait pas avoir tant compté que ça, sa relation avec Ashley, s’il s’en remettait comme ça dans mes bras sans avoir l’air d’en souffrir plus que ça. Je ne savais pas si cela devait me rassurer et me déculpabiliser, ou au contraire m’horrifier et me donner envie de vomir. Etait-ce pour me déculpabiliser que je chargeais Morgan comme ça ? Peut être… Surement même… J’avais couché avec l’ex d’une de mes meilleures amies. Sans le savoir, certes, mais ça fait bizarre quand même et c’est difficile à assumer psychologiquement. Je m’en voulais au moins autant que j’en voulais à Morgan. C’est pour ça que c’est lui qui allait tout prendre dans la figure. Parce que j’avais besoin d’extérioriser ça. Non mais comment il avait pu faire ça ?! Et si les dates concordaient, selon Ashley, il avait couché avec moi le lendemain de leur rupture. Le LENDEMAIN ! Je crois que c’est ce qui m’avait fait le plus suffoquer. Qu’il me repousse, je l’aurais surement mal prit, c’est clair, mais je l’aurais toujours mieux pris qu’apprendre ça. J’avais envie de le bouffer d’un coup, et pas comme il avait l’habitude que je le fasse.

Je me garais rapidement, avant de me rendre à l’endroit où je lui avais donné rendez-vous. J’étais habillée à peu près comme la veille, jean rentré dans mes boots à revers en fourrure, sous pull ample et doudoune sans manche. Je n’avais pas froid avec ma transformation qui se profilait. Avec une envie de meurtre je sortis de ma voiture et claquais sèchement la portière, avant de me rendre à l’endroit où j’avais donné rendez-vous à Morgan, perchée sur mes talons. Je ne pris même pas mon sac, me contentant de fermer la voiture à clef, avant de m’approcher du lycan. Il était vrai que mes SMS n’avaient pas été très explicites. Je lui avais demandé – ou plutôt ordonné – de me retrouver là aujourd’hui, à cette heure-ci, et gare à lui s’il n’était pas au rendez-vous. Heureusement, il était là, et à peine fus-je à portée de voix, il m’interpella :

-Kasey, quelque chose ne va pas ?

Il avait presque l’air honnête, et près à m’écouter, ne s’attendant surement pas à ça. Avant que j’ai eus le temps de me contrôler, dans un mélange entre de l’agacement et de la colère, achevée par son air de je-m’en-foutisme total, ma voix grimpa d'un octave:

-Tu es vraiment un connard, Morgan ! Comment tu as pus faire ça ?

Mais il ne devait surement pas comprendre de quoi je parlais. Jusqu’aux dernières nouvelles, il ne voyait pas encore dans mon esprit.

-Faut vraiment être un mec pour larguer une fille et coucher avec une de ses copines le lendemain !

Bon d’accord, j’y étais peut être allée un peu fort…

C'est dingue comme le temps passe vite. Enfin après, c'est vrai que ça dépend des gens. Prenons l'exemple des cours: un élève passionné par la philo (oui, ça existe), va avoir l'impression que l'heure va passer à une vitesse extraordinaire, alors que pour l'élève pour qui la philo est la matière la plus horrible de toutes, l'heure va passer étonnamment lentement, comme si le monde entier s'acharnait sur lui (oui, je sais, ça sent le vécu). Prenons un autre exemple ... une rupture? Oui, allez, pourquoi pas, il semblerait que ce soit à l'ordre du jour. L'un des deux ex va mettre un temps indéfiniment long à se remettre. Il faut compter le temps de recouvrement des esprits, puis celui d'adaptation, et enfin, si on est chanceux, c'est bon. Pour les moins chanceux, ce n'est pas bon, et on ne sait pas pourquoi, mais la morosité reste. De l'autre côté, il y a l'imbécile, celui qui se fout du monde, celui qui n'a aucun respect pour personnes, qui se remet de la rupture le lendemain, et couche avec une autre le soir, qui s'avère être une des meilleures amies de la première. Oui, l'égoïste de l'histoire existe aussi.
Mais le pire dans tout ça, vous ne croyez pas que ce serait que les deux demoiselles l'apprennent en même temps? Je veux dire, que la première apprenne que l'ex ai couché avec sa meilleure amie le lendemain de leur rupture, et que la deuxième apprenne que celui avec qui elle a couché était en fait le copain de sa meilleure amie, qui venait de la plaquer. Non, bien sûr, ça ne peut pas exister. Ce serait tellement idiot, tellement immature et naïf. Eh ben si, je vous rassure, ça peut arriver.

C'est hier soir, quand j'étais chez Kasey, que j'ai appris que Morgan m'avait si vite remplacée. Pas que cela me gêne, non, quand même pas. ça me désespère complètement. ça me met hors de moi. ça me rend folle. Je ne dis pas que je n'ai pas essayé de le remplacer, non. Je dis seulement que le lendemain, ça fait un peu ... Un peu comme si je n'avais pas compté. Un peu comme si je n'étais qu'une idiote de passage qui n'avait servis qu'à amuser la galerie, à occuper monsieur pendant quelque temps. Voilà comment je me sentais quand, le portable de Kasey entre les mains, les caractères noirs voletaient devant mes yeux, m'annonçant la triste réalité. Je me sentais perdue, triste, enragée, bonne à rien, minable. Bien sûr, ce n'était pas écrit précisément qu'il y avait eu, ou qu'il y avait quelque chose entre eux, non. Kasey lui donnait juste rendez-vous le lendemain. Mais j'avais une sorte de pressentiment. En plus, je venais de tout lui raconter, et elle m'avait parut légèrement... bizarre. C'est d'ailleurs pour ça que je suis rapidement repartie de chez Kasey, alors qu'on avait prévu de passer une soirée vraiment drôle. Mais bon, que vouliez vous que je fasses? Je ne pouvais pas faire comme si tout allait bien. Et même si je savais que je ne devais pas en avoir contre elle, et que je ne lui en voulait pas, je ne pouvais pas m'empêcher d'imaginer que ça s'était passé.
Un peu plus tard dans la soirée, j'étais résolu à me rendre également à ce rendez-vous. Il le fallait, afin de régler les choses, de mettre tout ça au clair, et surtout, de remettre un peu Morgan à sa place.

A bord de ma décapotable, je filais à toute vitesse vers la place. Mes lunettes de soleil empêchaient le vent de faire couler mes yeux, et une écharpe beige entourait mon cou; J'avais fait simple aujourd'hui: un slim foncé déchiré d'un peu partout, un top noir et une chemise à carreaux rouges et noirs sous un perfecto en cuir noir. Comme chaussures, je portais toujours des talons. Il faut dire que je n'étais pas grande, alors je me sentais mieux comme ça. J'avais donc enfilé mes plateformes préférées, noires également.
Je garais ma porshe rouge dans un crissement de freins bruyant, puis sortis, laissant mon sac sur le siège avant, en refermant le capot. Vu mon humeur, celui qui tenterait de me voler quoi que ce soit n'en ressortirait pas vivant. J'ôtais mes lunettes pilotes que je plaçais sur le haut de ma tête et inspecta les alentours tout en faisant claquer mes talons sur le sol. C'est alors que je les aperçus.

Cela faisait depuis notre rupture que je n'avais plus vu Morgan. Il n'avait pas changé. Il était toujours le même. Toujours le même regard, toujours la même posture. Je l'aurais reconnu entre mille. Soudain, je me demandais ce que je pouvais bien faire là. A quoi bon? C'était fini entre nous, pourquoi m'acharner à lui faire payer quelque chose dont il avait eu tous les droits de faire? Quelque chose contre laquelle je n'avais rien, mais strictement rien à voir? Quelque chose qui m'avait blessé, bien sûr, mais après tout, il était libre de ses actes. Et ça, je ne pourrais pas le changer.
C'est alors que la voix de Kasey arriva jusqu'à mes tympans.

-Faut vraiment être un mec pour larguer une fille et coucher avec une de ses copines le lendemain !

Et alors que je commençais à revenir vers ma voiture, je stoppais net. Voilà, nous y sommes. La vérité éclate au grand jour. Je n'avais pas tord, finalement. Il y avait bien eu quelque chose, et LE SOIR MÊME. Après tout, hier soir, chez moi, devant mon bol de pop corn, j'était partante. Pourquoi reculer maintenant? Il m'avait délibérément menti. Il m'avait plaqué avec l'excuse bidon de "Tu es une humaine. Je mange les humains". Et qu'est-ce que j'apprends? Il couche le lendemain avec ... une humaine!
Plus déterminée que jamais, je m'avançais à grands pas vers les deux jeunes gens. Morgan n'eus pas le temps de répondre à l'affront de Kasey, que son regard tomba sur moi. La surprise se lisait sur son visage. Et quelle surprise!

-Eh ben alors, qu'elle agitation! Qu'est-ce qu'il peut bien se passer ici? annonçais-je d'un ton sarcastique

Kasey ne m'avait peut-être pas frappé, mais ses mots furent la gifle du siècle. J'étais abasourdi. En réalité, je m'attendais à tout, sauf à ça. Certes, Forks était une petite ville, mais Kasey n'était pas ici depuis longtemps et tout le temps où j'avais connu Ashley et Kasey je ne les avais jamais vues ensemble, ni senti l'odeur de l'une sur l'autre. Oh, peut-être une fois, mais après tout Ashley était vendeuse en magasin et Kasey était libraire, elles étaient en contact direct avec leurs clients et je pouvais sentir à peu près n'importe qui sur elles. Je ne répondis rien, les yeux ronds, jusqu'à ce que l'odeur d'Ashley me parvienne. Automatiquement je cessai de respirer, comme une protection contre moi-même. Elle se rapprochait, elle était là et je savais qu'elle était venue pour moi - comme Kasey. Je la fuyais depuis près de deux mois et ce soir je ne pourrais pas fuir à nouveau. Du moins, je le pourrais, mais pas sans détériorer ma relation avec Kasey. La fuite dans un moment pareil n'était que la réaction d'un coupable, et je n'en étais pas un, pas à mes yeux.


Je relevai les yeux vers Ashley qui avançait vers nous, faisant tout autant claquer ses talons que Kasey l'avait fait avant elle. Je la dévisageai un instant, croisant les bras sur mon torse en me mordillant la lèvre inférieure, près à affronter les sarcasmes et reproches des deux femmes comparables à des furies à cet instant précis. La nuit s'annonçait longue, très longue, et le fait que la pleine lune soit proche n'arrangeait pas ma nervosité. au plus profond de moi, j'espérais que ces explications ne déraperaient pas, parce que je savais que la pleine lune risquerait de me rendre violent même si je n'avais pas la moindre envie de faire du mal à Kasey et Ashley.
Premier sarcasme. Ashley voulait jouer dans la provocation ? Alors j'allais jouer avec elle. Un sourire se dessina sur mes lèvres alors que je jetai un rapide regard furtif à Kasey avant de reporter mon attention sur la nouvelle arrivante.


« Il se passe que deux furies ont décidé de me courir sur le haricot un soir de pleine lune pour quelque chose qui n'est pas marqué sur leur front. »


J'avais beau me retrouver dans une position inconfortable, je n'avais pas l'intention de me laisser faire, de les laisser me rejeter la pleine faute sur les épaules alors que je n'étais pas plus au courant que Kasey qui elle n'était pas blâmée pour m'avoir allumé. Je les dévisageai à tour de rôle avant de reprendre la parole, effaçant le sourire qui ornait mes lèvres jusqu'à présent.


« Je suis un connard, oui, sinon je n'aurais pas eu deux plans cul réguliers en même temps. En revanche j'ai été plutôt honnête en attendant patiemment qu'Ashley, tu reviennes de France et donc que ta mère aille mieux pour t'annoncer que tout était fini. Pour moi c'était fini avant même que tu ne sois rentrée et pourtant j'ai attendu de t'avoir parlé pour aller voir ailleurs, je ne vois pas de quoi tu te plains, Emma je ne l'avais pas attendue, elle, donc tu t'en sors plutôt bien au final. »


A nouveau, chaque mot que je prononçais était comme une aiguille supplémentaire qui venait saigner mon coeur. Je l'aimais encore et malgré toutes les horreurs que j'avais pu lui dire elle était encore devant moi. C'était une situation embarrassante et sa présence me faisait autant de mal que de bien. Tâchant de masquer une fois de plus ce que je ressentais du mieux que je le pouvais, je poussai un profond soupir en baissant les yeux tout en me passant une main dans les cheveux.


« Je pensais avoir été clair, je ne veux plus te voir, alors ce serait complètement débile de ma part d'aller baiser tes copines en connaissance de cause. Je peux donc savoir pourquoi vous venez me chier dans les bottes ? »


Je plantai mon regard sur Kasey, fronçant les sourcils. Avait-elle une vraie raison pour me faire la morale ? A moins qu'elle ne l'ait pas encore dite, non, elle n'en avait aucune. Sans doute essayait-elle de se décharger de sa part de responsabilité dans ce qui faisait souffrir Ashley ; après tout c'est tellement plus simple de se dire que c'est la faute à l'ex petit-ami plutôt que se regarder dans un miroir et concevoir que la connerie a été faite à deux et dans l'ignorance. Quant à Ashley, nous avions rompu, alors je ne voyais pas pour quelle raison elle mettait son nez dans ce qui ne la concernait pas.

Il y a des situations où on a des envies de meurtre, et dans le cas précis, c’était bien ça. Les mecs sont vraiment des saletés. On ne peut pas leur faire confiance. J’avais eus pas mal de copains à Philadelphie, enfin trois ou quatre entre le collège et le lycée, et ils étaient tous les mêmes. Opportunistes, prêts à tout… on ne peut pas leur faire confiance, ils sont prêts à sauter sur tout ce qui bouge sous prétexte que ça a de jolies jambes et un beau sourire. Mais c’est pas possible d’être aussi con ? On a beau dire, les filles et les garçons ne sont pas fais pareils. Heureusement pour nous, Ashley n’était pas au courant. Enfin c’était ce dont j’étais persuadée, n’imaginant pas une seule seconde qu’elle ait pu lire mes textos pendant que j’avais le dos tourné la veille. Une véritable amie ne fait pas ça. Et une véritable amie ne couche pas avec l’ex d’une de ses copines, me répondrait-on. Sauf que je ne savais pas que c’était lui !!! Il y a prescription non ? Dérogation même ? Je ne sais pas… Il ne peut pas y avoir écrit quelque part sur les mecs le nom de leurs exs ? Ca éviterait tellement de problèmes… Enfin à ce compte là il fallait aussi que ça soit écrit sur les filles. Là aussi ça serait une bonne idée, on éviterait de s’écharper pour le même mec. Sauf que là je n’avais absolument aucune envie de me battre avec Ashley.

Ashley qui ne devait rien savoir du tout de ce qui s’était passé, jamais de la vie. Ce n’est pas un véritable mensonge, c’est une omission, pour son propre bien psychologique. On ne sait jamais, une fille au cœur brisé peut faire tout et n’importe quoi, surtout n’importe quoi en fait. Ce n’était pas vraiment le genre d’Ashley mais qui sait… j’avais un peu peur qu’elle décide de faire une bêtise. Je ne sais pas ce qui m’avait retenue d’en coller une à Morgan, dans les grandes largeurs, une du genre qui vous fait tourner la tête à 90° et vous laisse la mâchoire à moitié décrochée. Le genre de gifles qui fait du bien à celui qui la donne, qui soulage, tout en lui massacrant la main. Mais je n’avais pas spécialement envie d’attirer l’attention. Est-ce que l’arrivée de la pleine lune me rendait un peu plus nerveuse et un peu plus irritable que d’habitude ? Surement. Mais il fallait que je vois Morgan maintenant, pendant que j’étais survoltée, car le lendemain d’une transformation me faisait toujours l’effet d’un lendemain de cuite – enfin ce que j’imaginais être un lendemain de cuite vu que je ne pouvais même pas me saouler – à savoir que j’étais totalement dans le gaz et à côté de la plaque. Hors de question de lui laisser cet avantage. Je m’étais même retenue de clairement lui hurler dessus, il fallait que je garde une certaine retenue tout de même. Même si ça paraissait vraiment difficile dans ces circonstances.

J’aurais pus être encore plus désagréable si on m’en avait laissé le temps, mais la voix d’Ashley retentit à quelques pas de nous :

-Eh ben alors, qu'elle agitation! Qu'est-ce qu'il peut bien se passer ici?

Eh merde ! Comment elle a sut où nous trouver ? J’essayais de dissimuler la surprise sur mon visage, mais je n’eus même pas le temps de me reprendre pour essayer de lui expliquer que déjà Morgan se mit à faire le malin comme il savait si bien faire.

-Il se passe que deux furies ont décidé de me courir sur le haricot un soir de pleine lune pour quelque chose qui n'est pas marqué sur leur front.

Ce mec était vraiment hallucinant. Il était dans la merde, et il arrivait quand même à retourner la situation.

-Je suis un connard, oui, sinon je n'aurais pas eu deux plans cul réguliers en même temps. En revanche j'ai été plutôt honnête en attendant patiemment qu'Ashley, tu reviennes de France et donc que ta mère aille mieux pour t'annoncer que tout était fini. Pour moi c'était fini avant même que tu ne sois rentrée et pourtant j'ai attendu de t'avoir parlé pour aller voir ailleurs, je ne vois pas de quoi tu te plains, Emma je ne l'avais pas attendue, elle, donc tu t'en sors plutôt bien au final.

Etait-il vraiment sincère ? Je n’en savais rien, et en même temps… On aurait presque pu voir le masque se craquelé. Si les animaux sentent la peur, pourquoi pas le mensonge ?

-Je pensais avoir été clair, je ne veux plus te voir, alors ce serait complètement débile de ma part d'aller baiser tes copines en connaissance de cause. Je peux donc savoir pourquoi vous venez me chier dans les bottes ?

Serrant les dents, je regardais rapidement Ashley, avant de foudroyer Morgan du regard. N’aurait-il pas dus sentir mon odeur sur Ashley ou inversement ? Et moi, n’aurais-je pas dus sentir l’odeur de Morgan sur elle et vice versa ?

-C’est bon, tu as fini ? Non en fait je ne te demande même pas ton avis, ferme la, ça sera suffisant.

C’était sec, méchant aussi, mais au moins ça me permettrait peut être d’en placer une. Je me tournais vers Ashley, et esquissais un pas en avant, avant de me raviser, songeant qu’elle devait me prendre pour la dernière des salopes à l’instant précis et que ce n’était peut être pas le meilleur moment pour essayer un rapprochement.

-Ecoute, Ashley, laisse-nous t’expliquer… s’il te plait…

Le ton était presque suppliant. Mais elle était en droit de m’envoyer bouler si elle le voulait, ce qu’elle ne manquerait surement pas de faire…

Je n'en croyais pas mes oreilles. Jamais je n'aurais dû venir ici. Jamais je n'aurais crut pouvoir être plus blessée que le jour de notre rupture. Mais je n'en croyais pas mes oreilles. Morgan se consolait le lendemain de notre rupture, peut-être même pendant notre relation, qui sait? ET en plus, c'était avec ma meilleure amie. Et là, il me crachait limite dessus, devant Kasey. Bon, je n'étais pas complétement blanche non plus; j'avais un peu trahit la confiance de Kasey en lisant ses messages, une de mes meilleures amies qui plus est. Mais ce n'était pas un peu trop exagérée pour une punition?

Je ne répondais rien. Bien trop ébahit pour sortir ne serais-ce qu'un seul et unique petit mot. Même mon souffle avait du mal à franchir mes lèvres.
L'ancienne Ashley aurait répondu du tac au tac. Elle les auraient insulté tous les deux, peut-être même qu'elle les auraient assommé avec des cailloux, je ne sais pas, mais en tous cas, elle aurait réagit. Sauf que l'ancienne Ashley, la vraie moi, semblait avoir définitivement quitté mon corps.

-Écoute, Ashley, laisse-nous t’expliquer… s’il te plait…

Je secouais la tête. Il n'y avais rien à expliquer. Rien à dire. Rien à faire. Ça ne servait strictement à rien. Ça ne changerait rien. Je me passais la main dans les cheveux, me sentant plus idiote que jamais. Je n'avais pas ma place ici. Après tout, j'aurais très bien pu rester dans l'ignorance jusqu'à la fin, ça ne m'aurait rien fait. Justement, ça aurait surement été mieux, ou moins pire. Si seulement je n'avais pas fouillé...

-Non, c'est bon. Épargnez vos salives. J'aurais jamais dû venir de toutes façons.

Je leur jetais un dernier regard, avant de tourner les talons pour rejoindre ma voiture. Grosse erreur. Très grosse erreur. Je n'aurais jamais dû lire ces messages. Pourtant, je ne pus empêcher un doute de m'envahir. Si j'étais venue ici, c'est bien que je voulais régler quelque chose, non? Si j'étais venu, c'était bien pour avoir des réponses? Je m'arrêtais alors. Je n'étais pas encore arrivée à ma voiture. Je serrais forts les paupières ainsi que les points et fit demi-tour.
L'ancienne Ashley faisait surface lors d'un court instant, un court instant me permettant d'obtenir ce que je recherchais, me permettant de mettre fin à mes doutes, et peut-être même à ma souffrance. Oui, c'était peut-être ça qu'il me fallait après tout, pour revenir complétement à moi, pour enfin guérir entièrement de cette rupture. Sans doute était-ce une discussion dont j'avais besoin.
Je plantais mes yeux dans ceux de Kasey, mais ne dit rien. Était-elle vraiment fautive? Devais-je lui en vouloir à elle aussi? Je détournais mes pupilles vers celles de Morgan.

-Avant, je pourrais quand même savoir pourquoi? Pourquoi c'est arrivé? Si je me rappelle bien, tu m'as quitté en me disant que jouer avec la nourriture, c'était mal. Mais qu'est-ce que tu fais, là?

Évidement, je ne savais pas que Kasey n'était pas à proprement parler, de la nourriture. Comment j'aurais pu le deviner?
Pour le moment, je voulais simplement savoir la raison pour laquelle il s'était foutue de moi. Et ça me suffirait amplement.