-Nettoyer… balayer… astiquer, casa toujours pimpante… chantonnai-je en rythme avec la radio en passant le balai.

Il n’y avait personne aujourd’hui. Ce matin seuls deux ou trois collégiens préparant leur rentrée scolaire étaient passés pour récupérer les livres qu’ils avaient commandés, ainsi que se trouver deux ou trois nouveautés, ou oubli. C’était désert. Mais ce n’était pas que la boutique, c’était toute la ville. J’avais l’impression que Port Angeles était totalement abandonné, une vraie ville fantôme. C’était sans doute la fin de l’été qui faisait ça. Tout le monde voulait profiter de la plage avant la reprise des cours, pour ceux qui les reprenaient. Ca m’amusait toujours de voir tout le monde trainer, trainer… pour finalement se précipiter faire ce à quoi l’été servait à la dernière minute. Enfin aujourd’hui, ils devaient avoir tout simplement disparus sous les eaux, vu le temps qu’il faisait. C’était presque déprimant. Du coup, j’en profitais pour faire un peu de rangement, et donc de ménage, en rythme avec la musique dont j’avais légèrement – bon d’accord, plus que légèrement – poussé le volume. Au point que j’en oubliais le ménage pour me livrer à ma passion, la danse. Et en ce cas précis, je mixais la danse moderne au zouk. Je me demande ce que ça aurait donné sur une piste de danse. Il faudrait que j’essaye quand j’aurais le temps… la motivation… L’opportunité – rayez la mention inutile. En attendant, il fallait manœuvrer serrer pour ne pas faire tomber les piles de livres entassées sur les étalages autour de moi. Etalage que je venais de ranger soit dit en passant. J’avais l’impression de passer mon temps à nettoyer et ranger cet endroit.

En été, il fallait systématiquement balayer pour se débarrasser de la poussière qui entrait toujours, par ce temps sec, et en hiver, c’était la serpillère pour effacer les traces de pas humides. On se serait cru en novembre aujourd’hui, le désavantage de vivre dans l’endroit le plus pluvieux des Etats Unis. Malgré les problèmes que ça m’apportait, j’aimais l’aspect normal de ma vie, le fait que j’ai un travail que j’aime, même si ce n’était pas ce que j’aurais voulu faire au fond de moi. Il fallait bien faire avec. Et puis on faisait des rencontres intéressantes. Comme la semaine dernière, avec ce jeune homme qui était entré pour des biographies de groupes de rock, et qui m’avait empêchée de m’étaler de tout mon long sur le sol. Bon d’accord, avec ma condition de lycan, je ne risquais pas de me faire très mal, mais sur le principe… Bien que ce jeune homme soit plutôt bizarre. Sa manie de parler seul, au point que je me rappelais avoir pensé que c’était un agent secret. L’imagination trop débordante d’une fille dont la vie change. Je lui avais conseillé Le Chuchoteur, l’une des meilleures ventes du moment. J’espérai que ça lui plairait. Je n’arrivais pas à voir peur de lui – il y avait bien plus de raisons d’avoir peur de moi après tout. Il n’avait pas l’air d’être dangereux.

La musique changea subitement pour le dernier hit des Black Eyed Peas, que je connaissais bien sur par cœur. Prenant mon balai, je m’en servis comme d’un micro à pied pour chanter en même temps que Fergie :

-I ain't gonna stop until I'm done I ain't gonna quit until I've won !!

Heureusement pour moi, j’étais bien meilleure danseuse que chanteuse. Et il n’y avait personne dans le coin. Quand le sol me parut à peu près assez propre, je me décidais à ranger le balai dans la réserve, avant de me réinstaller à mon comptoir. J’allais aller flâner un peu sur le net, en attendant… qu’il se passe quelque chose. Le quelque chose en question ne tarda d’ailleurs pas. La porte de la boutique s’ouvrit et je baissais le son de la musique. Adieu ménage… je me redressais pour faire face à mon nouveau client, un sourire aux lèvres, quand je reconnus le jeune homme de la semaine dernière. Mon sourire se crispa une milli seconde, avant que je réussisse à me détendre.

-Bonjour. Que puis-je faire pour vous aujourd’hui ?

Aller Kasey, prend sur toi, tout va bien, tu peux le faire.

&


Son sourire s’estompa, la jeune femme ne semblait pas être ravie de le revoir. Et bien que poliment elle lui demanda ce qu’elle pouvait faire pour lui cette fois-ci, il commençait déjà à regretter d’être venu. Peut-être pour une fois aurait-il mieux valu qu’il ne tienne pas sa promesse. Trop tard, maintenant qu’il était là, il n’allait tout de même pas se sauver en courant, dans le genre pour s’enfoncer encore plus, c’était le mieux à faire. Il se redressa, les épaules droites, essayant de se donner un peu de constance, il sourit à nouveau.

- Bonjour, je viens juste comme promis vous donner des nouvelles du Chuchoteur. J’espère que je ne vous dérange pas au moins, sinon je peux repasser une autre fois, il n’y a pas de soucis ?

Il avait essayé d’être le plus aimable possible, essayé de ne pas paraitre étrange ou suspicieux, bref juste un simple client qui venait tenir sa promesse. Il l’observait, la jeune femme semblait quand même sur ses gardes et ô combien il la comprenait. Sans doute à sa place aurait-il fait pareil, voir même il aurait répondu qu’il n’avait pas le temps et espérant que finalement l’inconnu ne revienne pas. Il se demanda un instant qu’est-ce qui faisait qu’elle semblait avoir si peur, il concédait que son comportement de la semaine passée était pour le moins étrange pour quelqu’un ne connaissant pas encore Jared, mais de là à inspirer une telle crainte, c’était quand même un peu fort. Plus il la regardait de ses yeux bleus vifs, plus elle semblait se méfier, mais en même temps il sentait la curiosité la travailler.

- Je vous intrigue, n’est-ce pas ?

Bon c’était un peu direct, il fallait l’avouer. Mais au moins comme ça, il pourrait s’expliquer et elle arrêterait de le regarder comme s’il était un dangereux criminel tout juste évader de prison. Le ton de sa voix était calme et posé, un brin moqueur peut-être aussi, mais c’était pour détendre l’atmosphère qui se faisait pesante, autant par la peur de la jeune femme que par l’orage qui éclatait dehors.

Je ne m’attendais pas vraiment à revoir le jeune homme étrange qui m’avait pourtant sauvée d’une chute qui aurait pu faire mal – a une fille normale j’entends bien, ce qui n’était pas mon cas hélas, ou plutôt plus mon cas, enfin bref passons – malgré sa « promesse » - on note les guillemets – de venir me dire ce qu’il avait pensé du livre que je lui avais conseillé. Pourtant il était bel et bien là, en face de moi, aujourd’hui. Le nombre de clients qui nous disent qu’ils repasseront, pour des renseignements, pour des commandes, ou comme lui pour nous dire ce qu’ils pensaient de tel ou tel livre. Mais bien sur je n’y avais pas vraiment cru, comme d’habitude. Nous vivons dans un monde où les promesses en l’air sont plus que courantes. Je ne pense pas qu’on puisse faire cas d’une promesse en l’air de ce genre en temps normal. Mais en faisant ce qu’il avait dit, il remontait un peu dans mon estime. Une autre à ma place aurait peut être été effrayée, mais je crains hélas d’être bien plus effrayante que lui, c’est un fait. Je ne me fais pas vraiment d’illusion sur ce sujet. C’est sans doute pour ça que je ne voulais pas qu’on connaisse ma véritable nature, n’en déplaisent à certains comme ce flic que j’avais rencontré il n’y a pas si longtemps. Certains, comme lui, ou comme Morgan, étaient fier d’être ce qu’ils étaient. Sans doute me faudrait-il encore un peu de temps pour l’être également.

Mais, à moins de me prendre une balle en argent entre les deux yeux ou de me faire tuer par un vampire, ou quelqu’un de mon espèce, j’avais l’éternité ou presque pour me faire à ma condition. Garder éternellement l’aspect de mes dix-neuf ans, certaines auraient tué pour moins, même pour une nuit d’inconfort total par mois, nuit dont on ne se rappelait pas, du moins que je sache. Ma seule expérience pour le moment ne m’avait laissé aucun souvenir sur le coup, mais la gêne du réveil, à côté de Morgan, ça je m’en rappelais sans aucun problème. Je ne risquais pas de l’oublier… C’est fou comme je pouvais être gênée en ce moment, pour une raison ou une autre d’ailleurs. Lui aussi, en face de moi, me mettait mal à l’aise. Pas pour la même raison. Même si j’essayais de rester polie et affable, je ne pouvais pas toujours réussir à l’être de manière totalement naturelle. Il était étrange, ça je l’avais bien noté. Et semblait le vivre bien. C’était le plus important au final. Et puis je devais avouer que voir quelqu’un faire ce qu’il avait dit qu’il ferait me faisait plaisir. C’était rassurant en fait de se sentir un peu importante pour des inconnus au point qu’ils viennent me dire si le livre que je leur avais conseillé leur avait plus ou pas. Je n’avais pas spécialement de don pour mon travail, je ne tombais pas toujours juste, mais force était de constater que plus ça allait, plus je faisais les bons choix.

Je baissais le son de la musique depuis l’ordinateur de la librairie avant de lui demander ce que je pouvais faire pour lui aujourd’hui, au moment où « don’t go breaking my heart » passait à la radio.

- Bonjour, je viens juste comme promis vous donner des nouvelles du Chuchoteur. J’espère que je ne vous dérange pas au moins, sinon je peux repasser une autre fois, il n’y a pas de soucis ?

Je remis en place les prospectus de différentes animations en place sur le comptoir, plus pour me redonner contenance que par réel besoin avant de répondre avec un petit sourire :

-Non vous ne me dérangez pas ne vous en faite pas.

J’aurais pu lui mentir, bien sur. Le seul problème, c’était que je ne savais absolument pas mentir. Mais vraiment pas. C’était comme si c’était écrit sur mon visage quand je mentais. Et puis il n’y avait personne dans la boutique. Avec un temps pareil à l’extérieur, en même temps…

- Je vous intrigue, n’est-ce pas ? me demanda-t-il de but en blanc.

Je le regardais avec des yeux ronds. Certes, je ne savais pas mentir, mais à ce point… Il lisait dans mon esprit ou quoi. Je repris un peu le contrôle de moi-même, avec un petit rire nerveux, et remettant une mèche de cheveux derrière mon oreille.

-Euh… Ca se voit à ce point ?

Autant jouer la carte de l’auto dérision. J’étais totalement transparente. Un bruit dans la réserve attira mon attention. Le bruit d’une porte qui claque. C’était mon patron qui venait d’arriver. Je me dis soudain que le lieu n’était peut être pas vraiment propice à ce genre de discussion, aussi décidai-je, s’il en avait le temps, d’aller prendre un café sur mon temps de pause.

-Je vous offre un café ? proposai-je en désignant le café dans le genre strabucks de l’autre côté de la rue. On sera plus à l’aise pour discuter.

Je désignais d’un air entendu la réserve d’où mon patron allait sortir d’un instant à l’autre.

&


Il avait marqué un point, la jeune femme le regardait les yeux écarquillés, surprise pas cette question si direct. Il pensait que c’était la meilleure chose à faire, parfois à trop tourner autour du pot, on manquait des choses, on ne se comprenait pas vraiment. Etre direct, c’était bien mieux, même si parfois être trop franc n’était pas toujours bon.

- Ce n’est pas que ça se voit tant que ça, enfin si un peu quand même. Mais j’ai surtout l’habitude en fait.

Un petit sourire résigné apparut sur ses lèvres. Oui, il avait prit l’habitude que les gens le regarde bizarrement, prit l’habitude de passer pour quelqu’un d’étrange. C’est peut-être pour ça aussi qu’il était quelqu’un de si solitaire dans le fond. Avant il n’était pas comme ça, du moins si, il a toujours eut un côté un peu bizarre, mais c’était différent, les gens l’apprécier pour son originalité. Maintenant il était plutôt devenu la personne à éviter, il s’était beaucoup renfermer sur lui-même, était devenu taciturne et plus sombre que jamais. C’était à se demander où était passé l’adolescent boute-en-train qu’il était, toujours le premier à amuser la galerie. Il refusait de se l’admettre, mais il savait exactement pourquoi et quand cela avait dégénéré. Il savait aussi pertinemment ce qu’il fallait faire pour y remédier, il n’était juste pas prêt pour cela, il s’était bien trop enfoncer dans cet engrenage pour arriver à s’en sortir seul, il avait besoin d’un déclic, que quelqu’un le secoue, mais pour le moment il se complaisait peut-être un peu trop dans cette vie qui n’en était pas vraiment une, pour y songer.

A son tour Jared fut surpris par la jeune femme, mais agréablement surpris. Alors qu’un bruit de porte qui claque provenant de la réserve se fit entendre, la libraire proposa à Jared d’aller prendre un café de l’autre côté de la rue.

- Avec plaisir mais c’est moi qui vous invite. Pour me faire pardonner mes bizarreries de la semaine dernière.

Le guitariste trouvait ça normal, d’une il avait quelque chose à se faire pardonner et de deux, il avait peut-être pas l’air, mais il avait un minimum de bonnes manières et savait être galant.

- Et on a de la chance, la pluie c’est un peu calmée, ça nous évitera d’être trempés.

Il ria doucement regardant la jeune femme puis son jean qui n’avait pas encore eu le temps de sécher.

Il attendit quelques instants la brunette qu’elle prenne sa pause, puis ensemble ils coururent pour traverser au plus vite la rue et atteindre le Starbucks pour s’y mettre à l’abri.

- Choisissez une table, je vais aller passer commande. Vous prenez quoi ?

Pour sa part Jared avait choisit un Caramel Macchiato. Une boisson chaude histoire de se réchauffer un peu. Il revint quelques minutes plus tard avec leurs deux boissons et s’assit face à la jeune femme avec un grand sourire sur les lèvres.

- Et voilà pour vous jeune demoiselle. Au fait je m’appelle Jared. Enchanté.

Il lui avait tendu la main en se présentant, ce qui était la moindre des choses. Après tout c’était quand même plus sympa de connaitre le nom de la personne avec qui vous buviez un café.

On aurait presque pu croire que le temps de l’insouciance était revenu. Presque. Demander comme ça, de but en blanc, a un presque parfait inconnu, s’il voulait venir prendre un café avec moi, comme ça, au moment de ma pause, c’était ce que je faisais au lycée, avec les nouveaux de l’équipe de cheerleading qui avaient parfois un peu de mal à s’intégrer à l’équipe. Chassez le naturel, il revient au galop. Enfin si c’était ce genre de naturel, ce n’était pas encore trop dramatique. Du moment que je ne me transformais pas en loup affamé et avide de sang frais au milieu du Starbucks, ça ne posait aucun problème je pense. Et puis ce n’était pas encore écrit sur mon visage que j’étais un danger public. Seuls les vampires et les autres loups pouvaient le savoir. S’il avait été l’un ou l’autre, parce que pour ma part, j’avais encore un peu de mal à savoir qui était quoi, avec la récente apparition de mes pouvoirs, il aurait pu largement me tuer la première fois. J’avais donc décidé que je ne craignais rien, ce qui, vu mon radar personnel intégré, était un exploit. Et puis, il était inquiétant et intrigant à la fois pour une autre raison. Il parlait tout seul, mais changeait totalement d’expression à un moment ou à un autre, ce qui était assez bizarre et plutôt intrigant oui, comme il l’avait dit lui-même. Un poil effrayant aussi, mais moins que d’autres choses, ça c’était clair, limite évident même.

J’avais l’habitude de faire confiance à mon instinct depuis toujours. Surement le côté loup que je ne soupçonnais pas jusque là, et mon instinct me disait que ce jeune homme, s’il était bizarre, n’était pas méchant pour autant. Et puis bon, j’avais bien besoin d’une pause. Passer le balai m’avait épuisé. Ok j’exagérai largement, mais bon, c’était rare que je prenne une pause même si j’étais sensée le faire, alors autant en profiter pour une fois que j’avais une bonne raison. Par contre, quand il m’avait dit qu’il avait l’habitude que les gens soient intrigués par son comportement, ça m’avait un peu mise mal à l’aise, mais dans un genre différent de la dernière fois. Juste que je me sentais mal, et un peu conne, parce qu’il n’était pas un animal de foire. Enfin bon… Maintenant que j’avais la possibilité de rattraper ma connerie, je n’allais pas la laisser passer. La proposition était totalement naturelle, et puis avec le temps pourri, un café brulant ne ferait de mal à personne. Mais ma demande le surprit visiblement. Il n’avait pas l’air d’avoir l’habitude qu’on lui propose un café. J’attendis qu’il me réponde, en me disant qu’il pouvait refuser et que je me prenne un vent monumental, ce qui était un risque parfaitement possible quand on faisait une proposition comme ça sur un coup de tête. Je gardais quand même mon sourire aux lèvres, attendant qu’il me dise si oui ou non, ça le tentait.

- Avec plaisir mais c’est moi qui vous invite. Pour me faire pardonner mes bizarreries de la semaine dernière.

Je fis mine de réfléchir une minute alors que c’était tout réfléchit :

-D’accord.

- Et on a de la chance, la pluie c’est un peu calmée, ça nous évitera d’être trempés.

- Luke, je prends ma pause, criai-je en direction de la réserve.

Et sans attendre la réponse, qui n’aurait pas pu être autre chose que « oui oui » de toute façon, je pris ma veste en cuir avant de contourner la caisse et de le rejoindre. Je souris, et remontait mon col avant d’ouvrir la porte et de m’élancer en courant dans la rue, le jeune homme sur mes talons. On aurait put se faire renverser par une voiture, mais heureusement, la rue était déserte. Le starbucks était presque vide, lui aussi, quelque chose qui n’arrivait jamais. Je passais une main dans mes cheveux noirs, trempés malgré les quelques mètres seulement qui séparaient la librairie du café.

- Choisissez une table, je vais aller passer commande. Vous prenez quoi ?

Je jetais un rapide coup d’œil au tableau au dessus des caisses, avant de faire mon choix :

-Euuh… un café latte, merci.

Alors qu’il commandait, je retirais ma veste, déjà trempée, pour la poser sur mon dossier et m’installer. J’adorais ces cafés. Et ils étaient délicieux.

- Et voilà pour vous jeune demoiselle. Au fait je m’appelle Jared. Enchanté.

Il m’avait tendu la main, et je la serrai, me rendant compte qu’effectivement, je ne savais pas plus son nom qu’il ne savait le mien.

-Je m’appelle Kasey.

J’attendis qu’il se réinstalle, et pris la tasse entre mes deux mains histoire de me réchauffer un peu. J’avais attaché une pince à ma veste en cuir, aussi l’avais-je prise pour attacher rapidement mes cheveux humides pendant qu’il commandait les boissons.

-On vous le dit si souvent que vous êtes intriguant ?

C’était le meilleur angle d’attaque que j’avais trouvé pour commencer la conversation, et puis après tout, c’était lui qui avait commencé.

&


C’était étrange pour Jared de se trouvait là, en compagnie d’une demoiselle dont il ne connaissait rien, à boire un café ensemble afin de s’expliquer sur son comportement. Il n’avait pas pour habitude de s’expliquer, les gens le prenait tel qu’il était, y’a ceux qui étaient au courant et ceux qui faisait avec. Bien évidemment, il y avait aussi des gens qui préféraient juste l’éviter, mais peut importe la réaction, c’était la première fois qu’il allait parler de ça ouvertement, directement avec quelqu’un. Quelqu’un, qui plus est, ne connaissait même pas.

La jeune femme accepta sa poignée de main et se présenta à son tour. Ce à quoi Jared, bien qu’étrange était tout de même poli, lui répondit.

- Eh bien, enchanté Kasey !

Le guitariste se mit assis en face de la libraire et allait avaler une gorgée de sa boisson avec laquelle il faillit s’étouffer à la question de la jeune femme. Elle avait le mérite d’être directe au moins. En même temps, c’est lui qui avait lancé le sujet, mais il aurait préféré attendre un peu avant d’aborder ce sujet, histoire de se préparer. Mais bon maintenant que c’était fait, il ne pouvait plus reculer et se devait de répondre à Kasey.

- A vrai dire, ‘‘intriguant’’ n’est pas vraiment le terme employé majoritairement. Ce serait plutôt ‘‘bizarre’’, ‘‘étrange’’ qui revient le plus souvent dans la bouche des gens.

Bien qu’il n’avait pas osé la regardé dans les yeux se contentent de baisser le regard vers sa tasse qui était posé sur la table, il ria doucement de sa réponse. Il avait toujours était bizarre aux yeux des autres, que ce soit de part son comportement ou sa façon de s’habiller, ses cheveux longs, ses tatouages, il avait toujours dénoté dans le décor, déjà tout petit à l’école, il avait était ‘‘différent’’ des autres. Et même si parfois, c’était un peu lourd d’avoir à supporter le regard inquisiteur des gens sur lui, il y était habitué, voir même, ça lui paraitrait étrange que ça ne se produise plus, ça lui manquerait presque, tellement c’était devenu normal.

- Vous savez, j’ai toujours eu l’habitude qu’on me trouve spécial, étrange et ce depuis la maternelle. Que ce soit de part mon comportement, ça c’est plus récent, ou de par ma façon de m’habiller, de mon look, ça c’est depuis toujours. Alors ne soyez pas gênée d’avoir pu penser ça aussi.

Il avait enfin relevé son visage, but une gorgée de tasse brûlant en lui faisant un petit clin d’œil, voulant dire qu’il pensait sincèrement qu’elle n’avait pas à se sentir honteuse ou coupable d’avoir pensé elle aussi, comme tous les autres qu’il était étrange. C’était son lot quotidien et il s’y était habitué. D’ailleurs il n’y avait qu’à observait le peu de monde qui se trouvait présent dans la pièce et les regarder, les observer là à le regarder, non pas directement, mais du coin de l’œil, se parlant, se chuchotant. Il savait très bien ce qu’ils se disaient, et il s’en contre fichait éperdument.

J’avais toujours eus la chance de faire partie de ces filles populaires, que tout le monde aime, respecte… Certes, je n’avais pas été reine de promo, ma sœur l’avait été, mais je m’en fichais pas mal de ça. Ma vie de collégienne et de lycéenne avait été plutôt agréable, mis à part le décès de mon père quelques jours avant la remise des diplômes. Le fait d’être sportive, capitaine de l’équipe de cheerleading et bonne élève donnait des points, c’était clair. On critiquait souvent les films d’ados, ces « teenmovies » qui caricaturaient la vie des lycées et des facs américaines, mais dans le fond, ils n’avaient pas tort, sauf sur le fait que la fille la plus populaire est toujours une salope blonde et le mec le plus populaire un idiot qui ne pense qu’à coucher. Ce qu’ils oublient en général, c’est que si on veut rester dans nos équipes de sport, il faut maintenir une moyenne de C minimum dans chaque matière, pas générale, attention, et quand on est nul dans certaines matières, ce n’est pas facile de rester au top. Donc ils pouvaient retourner se cacher avec leurs préjugés. Mais à côté de mon interlocuteur, mes problèmes n’avaient rien d’existentiel, c’était clair. Je doute d’avoir à me plaindre de ma période adolescente plus que ça, alors qu’il devait en garder un mauvais souvenir, sans doute. Les enfants sont méchants, cruels entre eux, et les ados c’est encore pire. On entendait trop souvent à la radio ou à la télé dire qu’un jeune – plus souvent les garçons que les filles d’ailleurs – finissait par se suicider, pour une raison X ou Y, quoi que le plus marquant de tout soit Columbine.

C’était partir dans les extrêmes, ok, je l’avoue, mais sérieusement, comment se sentir bien quand on se fait critiquer parce qu’on ne colle pas « à la norme » ? Dès qu’on est différent, cela pose problème à tout le monde. Les rumeurs, les ragots, les chuchotements, de moins en moins discrets d’ailleurs au fur et à mesure que le temps passe, et les moqueries de plus en plus mauvaises et directes. C’est du grand n’importe quoi, l’adolescence, et on ne devrait même pas avoir à passer par là. Le problème, c’est que la plus pars des idiots le restent après le lycée. On ne peut rien faire contre. Que ça soit ici à Forks et Port Angeles, ou à Philadelphie, ça n’a pas vraiment de différence. Quoi que ça doit être pire ici… Dans un endroit aussi minuscule, la seule tentative de marginalisation est source de problèmes. Dans une grande ville, on trouve de tout, et n’importe quoi, et dans mon énorme lycée, même les personnes les plus marginales arrivaient à s’intégrer. L’avantage des grandes villes. Ici, je doute que ça soit pareil si on faisait une petite étude du comportement des adolescents fréquentant les établissements de Forks et Port Angeles… Tout le monde fait ce qu’il doit et colle strictement à la morale bien pensante du secteur. A croire qu’on est tous clonés.

Si j’avais proposé à Jared de prendre un café, c’était aussi pour m’excuser pour la dernière fois. De quoi ? Si je n’avais pas été désagréable directement, mes pensées, elles, n’avaient pas été très gentilles, alors je tenais à faire amende honorable maintenant. Et qu’il accepte m’avait fait plaisir, excepté qu’il avait tenu à m’inviter. J’aurais préféré le faire pour me faire pardonner à cent pour cent, mais il avait semblé si content de le faire que je n’avais pas insisté. J’avais été peut être un peu trop directe, en abordant directement le sujet qui faisait mal, il manqua de s’étrangler avec son café.

-Désolée, marmonnai-je en baissant les yeux.

Le tact n’était pas ma principale qualité, parfois. Il sembla réfléchir un instant, fuyant mon regard avant de s’expliquer :

- A vrai dire, ‘‘intriguant’’ n’est pas vraiment le terme employé majoritairement. Ce serait plutôt ‘‘bizarre’’, ‘‘étrange’’ qui revient le plus souvent dans la bouche des gens.

Je gardais les yeux baissés, un peu honteuse. Il avait raison, et était parfaitement conscient de ce que les gens pensaient de lui. Ca devait être atroce comme vie… Je bus distraitement une gorgée de mon café latte, méditant ses paroles. Dire que je ne l’avais pas pensé aurait été mentir, et je n’étais vraiment pas douée pour ça. Mais maintenant que je le connaissais un tout petit peu, je revisitais mon point de vue. Le rire qu’il avait eut sonnait mal à mes oreilles.

- Vous savez, j’ai toujours eu l’habitude qu’on me trouve spécial, étrange et ce depuis la maternelle. Que ce soit de part mon comportement, ça c’est plus récent, ou de par ma façon de m’habiller, de mon look, ça c’est depuis toujours. Alors ne soyez pas gênée d’avoir pu penser ça aussi.

J’eus un petit sourire, regardant franchement son regard pour la première fois depuis quelques minutes, avant de dire simplement :

-On est toujours mal à l’aise quand on perce nos pires pensées à jour, surtout quand c’est la personne en qui on les a eut. Je suis vraiment désolée, je m’excuse…

Le silence retomba quelques instants entre nous, seulement troublé par le bruit des machines à café. Je réfléchissais à ce qu’il venait de dire. Il avait raison. L’être humain est bizarre. Il prône le libre arbitre, mais dès que quelqu’un est trop différent, il est tout de suite mal jugé, catalogué. Une contradiction à lui tout seul. Je reposais la tasse sur la table et la repris en coupe entre mes mains pour me réchauffer.

-Vous savez, d’où je viens, des gens qui s’habillent comme vous, on en croise souvent… Ce n’est pas vraiment ça qui m’a le plus intriguée…

J’eus un soupir nostalgique en pensant à Philadelphie. Comme cette ville me manquait… Et puis je décidais de détendre un peu l’atmosphère :

-En tout cas, vous m’avez évité une sacré chute… Sans vous je ne sais pas ce que j’aurais fais…

Je lui souris sincèrement, avant d’esquisser un petit rire, ce n’était plus la peine de faire semblant.

&


- Ne vous excusez pas, c’est comme cela et c’est fait.

Jared lui adressa un petit clin d’œil pour la rassurer. Même si au fond, effectivement cela l’avait un peu touché, un peu blessé. Il avait beau avoir l’habitude que les gens pensent cela de lui, cela n’empêchait pas que ces pensées, ces mots fassent mal. Lui qui ne se sentait déjà pas très bien, lui qui avait déjà une mauvaise image, une mauvaise opinion de lui-même, ce genre de choses ne faisait que renforcer sont sentiment, sa vision de lui-même. Mais il n’aimait pas paraitre rude et la jeune femme avait l’air vraiment sympathique et plutôt l’air sincèrement désolée, il ne pouvait donc se résoudre à lui en vouloir ou lui montrer que cela l’avait touché.

Après quelques instants de silence entre eux, où il avait eu le temps de repenser à ce qu’il était, ce qu’il était devenu, se remémorant à quel point sa vie n’était qu’un désert sans fin, Kasey reprit la parole. Et ce qu’elle lui avoua sans vraiment le mentionner le gêna quelque peu. Évidemment que ce n’était pas son look qui avait perturbé la jeune femme, cela aurait pu, s’il n’avait pas eu cette voix pour le faire passer pour fou auprès de bon nombre de gens, comme cette fois-là avec la libraire. Le guitariste baissa le regard, honteux et gêné qu’elle le lui rappelle, qu’elle lui fasse comprendre qu’elle avait remarqué, même s’il s’en doutait. Il n’eut pas le temps de répondre, que la demoiselle enchainer sur la fameuse chute, sans doute pour détendre l’atmosphère. Il releva les yeux vers elle et esquissa un léger sourire. C’était un souvenir autrement plus plaisant.

- J’avoue que c’était une belle chute, digne d’un blockbuster. Heureusement que je vous ai rattrapé, je ne sais pas comment j’ai fait ça d’ailleurs, mais sans ça, vous auriez pu vous faire très mal.

Jared rit, non pas de la chute, mais de ma remarque sur le fait de ne pas savoir comment il avait eu le réflexe de la rattraper, alors qu'il était dans un état de manque évident, état dans lequel les réflexes ne sont pas censés être au top de leurs performances.

- Et au fait, c’est quoi qui vous a le plus intriguée alors ?

Bon tant qu’on y était, autant en parler tout de suite, comme ça ce serait fait. Jared n’avait pas réellement envie d’aborder le sujet, mais puisqu’elle y avait fait allusion, tant qu’à faire en profiter, plus vite ce serait passer, plus vite il pourrait passer à autre chose, du moins il l’espérait. Passer à autre chose, comme parler du livre pour lequel il était revenu par exemple.

- Je pose la question, même si je me doute bien de la réponse.

Le musicien n’avait pas laissé le temps à la jeune femme de répondre. Baissant le regard une fois de plus, il posa ses yeux sur sa boisson, qu’il attrapa et bu plusieurs gorgées afin d’éviter de croiser le regard de Kasey. Il n’osait l’affronter directement, bien trop gêné de son comportement lors de leur première rencontre.

Comme quoi, il y a bien des manières d’être mit au banc de la société, et ce ne sont pas toujours les manières que nous croyons. Nous avions la chance avec ma sœur d’avoir eut une enfance et une adolescence dorée, ou du moins aimante et agréable. Ce qui ne pouvait pas être le cas de tout le monde. Mis à part mes crises de pleine lune (que j’ignorai telle à l’époque), un ou deux rhumes, comme n’importe quels enfants, nous n’avions rien eus de grave à signaler. Bien sur, comme dans toutes les familles, parfois, nos parents se disputaient. C’était tout ce qu’il y a de plus naturel. La dispute la plus vive avait vu une assiette voler au dessus de la tête de mon père, et avait fini en fou rire entre nos parents. Rien de bien méchant donc. Ne serait-ce que par rapport à certains de nos camarades d’écoles, nous avions une chance folle. Nos parents étaient ensemble, s’aimaient, ils avaient été là pour des moments très importants… On ne se rend compte de la chance que l’on a que quand elle nous échappe, et qu’on ne peut plus revenir en arrière. Avant, c’est tellement habituel que ça nous parait normal. Et puis, quand quelque chose nous est arraché, on se rend compte de la chance qu’on avait de l’avoir avec nous, rien que pour nous ou presque. Quand le cercueil de mon père avait été descendu dans la tombe creusée quelques heures plus tôt par les machines, j’avais compris qu’une partie de moi était partie avec lui.

Cette partie relative à mon enfance, l’innocence et la légèreté. Mais au moins je l’avais connue. Jared, lui, avait-il eut ce privilège réservé à l’enfance ? Je ne savais pas, et j’avais déjà assez l’impression d’avoir dépassé la frontière des limites personnelles sans aller plus loin que ça. Après tout on se connaissait à peine, pour ne pas dire qu’on ne se connaissait pas du tout. Au point où nous en étions, nous aurions pus aborder des sujets plus que personnels, mais il ne fallait surement pas abuser. Je le regardais, et il me semblait un peu triste. Mais je ne savais pas quoi dire pour l’aider à ôter ce voile de tristesse sur son visage, aussi préférai-je me taire, j’avais visiblement fait assez de boulettes pour aujourd’hui. C’était assez direct, la manière dont je lui avais demandé ce que les gens pensaient de lui en général. J’étais un peu trop franche, on me l’avait déjà dit. Il fallait que j’apprenne à me contrôler un peu mieux que ça. Il avait beau me dire de ne pas m’excuser, j’avais l’impression que je devais me faire pardonner pour la terre entière, et pour toutes les méchancetés dont il avait bien pu être victime tout au long de sa vie. J’étais peut être un peu trop « chevalier servant » dans le sens inverse pour être crédible. Et puis j’avais essayé de changer de sujet, sait-on jamais, que cela fonctionne.

Et ça avait fonctionné. Un sourire, c’est le prémisse de la fin des soucis.

- J’avoue que c’était une belle chute, digne d’un blockbuster. Heureusement que je vous ai rattrapé, je ne sais pas comment j’ai fait ça d’ailleurs, mais sans ça, vous auriez pu vous faire très mal.

Il rit, et je ris avec lui, avant de porter ma tasse à mes lèvres pour cacher mon gêne. S’il savait… J’aurais eus mal un quart de seconde, avant que la moindre trace disparaisse. Avantage et inconvénient de la lycanthropie.

- Et au fait, c’est quoi qui vous a le plus intriguée alors ? Je pose la question, même si je me doute bien de la réponse.

Je reposais ma tasse en avalant ma gorgée de café, réfléchissant à l’incongruité de notre rencontre :

-Mmh… je dirais les phrases murmurées, sans queue ni tête, et n’ayant aucun rapport avec notre conversation.

J’esquissais un geste pour prendre sa main, en signe de compassion, mais me ravisais et ma main fini dans mes cheveux, remettant une mèche humide en arrière, avant de venir se reposer sur la table, à sa place initiale.

-Mais si c’est un sujet qui vous met mal à l’aise, alors, n’en parlons plus.

Je lui fis un clin d’œil complice, avant de mimer le geste de sceller mes lèvres avec une clef imaginaire, et de la jeter par-dessus mon épaule.

-Alors, ce livre ? Parce que c’était pour ça que vous étiez revenu non ? Ca fait bizarre de voir quelqu’un tenir une promesse faite sur le sable comme ça…

J’eus une brève hésitation, et, après une nouvelle gorgée de café pour dissimuler mon petit malaise, ajoutais :

-Au point où on en est, on pourrait peut être se tutoyer, non ?

&


Comme Jared s’y attendait, la jeune femme avait répondu que c’était son dialogue avec son autre lui, qui ressemblait pour les autres à un monologue incongrue qui avait fait paraitre le musicien sous un jour un peu bizarre et dérangeant aux yeux de la libraire, ce qui ne l’étonnait bien évidemment pas. Elle semblait d’ailleurs gênée d’avouer cela au guitariste, il avait même remarqué le geste qu’elle allait faire mais qu’elle retint. Il trouva l’attention touchante. Tout comme la petite note d’humour qui détendit complètement l’atmosphère entre eux.

- Ca ne me met pas plus mal à l’aise que vous apparemment. Pour faire court et parce que je me sens le devoir de vous expliquer brièvement : j’ai quelques petits soucis personnels et ce que vous avez remarqué la dernière fois en est une des conséquences pour le moins dérangeante.

Le jeune homme rit à sa propre remarque, lui montrant ainsi qu’elle n’avait pas à se sentir mal à l’aise ou gênée pour lui. Il s’avait qu’il intrigué les gens, il avait pleinement conscience que sa petite habitude de répondre à haute voix à Dark J était pas conventionnelles. Dark J ? C’est comme ça qu’il nommait la voix, cette voix qui ressemblait en fait à la part sombre de lui-même qu’il essayait de refouler, mais dont il n’y arrivait pas toujours.

- Ahhh oui le livre, c’est vrai que c’est un peu beaucoup pour ça que je suis là après tout !

Il ria de bon cœur, avant d’enchaîner sur ce qu’il en avait pensé.

- C’est la première fois depuis longtemps que je n’avais dévoré un livre en si peu de temps. Il est tout à fait prenant, passionnant et surprenant. Je suis vraiment ravi que vous m’ayez conseillé ce livre là, il est à la hauteur du succès qu’il rencontre.

Jared ne disait pas ça pour lui faire plaisir, il était on ne peut plus sincère. Ce livre l’avait vraiment transporté ailleurs le temps de le lire. Il avait appréciait chaque mots, chaque phrases, chaque pages. Plus il lisait, plus il voulait savoir la suite et n’avait pus s’arrêter qu’une fois le livre entièrement fini. D’ailleurs cette nuit là, il n’était pas sorti et avait passé sa soirée, nuit sur le canapé dans le salon, tournant les pages les unes après les autres, s’arrêtant quelques fois, très rapidement pour ses besoins naturels, fumer et se faire un café.

- Oui, tu as raison !

Il était vrai que se vouvoyiez faisait à présent très formel, alors que vu ce qu’il venait de lui confier sur lui-même, ils avaient largement dépassé le stade où il est bon de dire « vous », même si au fond ils ne se connaissaient pas plus que ça. Il termina sa tasse d’un trait et jeta un coup d’œil rapide sur l’horloge au dessus su comptoir.

- Ohh je n’ai pas vu le temps passer. Je ne voudrais pas vous retenir trop longtemps, je ne voudrais pas risquer de vous faire perdre votre place en empiétant sur votre temps de travail.

Il se leva, remit sa veste encore trempée de la douche qu’ils s’étaient prit un peu plus tôt, attendit que Kasey fasse de même et il la raccompagna jusqu’à la librairie où il la laissa sur le pas de la porte.

- A une prochaine fois sans doute ! Je ne manquerais pas de repasser par ici, ou qui sait au détour d’une rue à l’improviste.

Une poignée de main et il s’en retourna à sa voiture pour rentrer à Forks, la conscience un peu plus tranquille de s’être expliqué et surtout d’avoir tenu sa promesse. Il ne sait pas s’il aura l’occasion de la revoir en dehors de son travail, mais il avait apprécié la compagnie de la jeune femme. Elle lui était sympathique malgré ce qu’elle avait pu penser aux premiers abords de lui. Jared avait apprit depuis bien longtemps de ne pas s’arrêter à la première impression qu’il laissé aux gens.