Je marchais paisiblement. Cela faisait déjà une demie heure que je marchais paisiblement. Je ne savais plus vraiment quelle heure il était, mais à quoi bon; je n'étais pas pressée. Le soleil était entrain de laisser place à la lune, et ma voiture n'était plus très loin. J'avais passé une journée plutôt pas mal. En effet, j'avais enfin pu placer ma mère en maison spécialisée, tout près de chez moi, le temps qu'elle récupère toutes ses forces, après une énième rechute, et avait donc pu passer la journée entière à flâner en ville. Ma carte de crédit en avait pris un sacré coup. Mais je suis comme ça: une petite déprime et Hop! je file faire du shopping. Il suffit que cette petite déprime dure pour que la carte bancaire chauffe encore plus. En réalité, ce n'est pas forcement pour l'acte en lui même, mais c'est surtout pour faire quelque chose et ne pas me laisser abattre. Pourtant, alors que d'habitude, ça me remettais d'appoint, depuis le jour de ma rupture je ne constatais aucun changement. Je me sentais toujours pareil, toujours aussi vide. Du coup, c'est à la terrasse d'un café que je pris la décision que ce qu'il me fallait, c'était reprendre mon travail. Mon repos suite à l'accident de ma mère devait prendre fin à la fin de la semaine, mais étant donné que je n'avais plus à m'en occuper, je pouvais facilement retourner au magasin. C'est donc ce que je fis, dès la première heure de l'après-midi. Mes collègues furent ravies de me revoir, ainsi que ma patronne. Elle accepta mon retour, mais seulement pour le lendemain.
Comment j'occupais le reste de mon après-midi afin de ne plus penser à mes problèmes personnels? Je me payais une manucure, un massage, une nouvelle coupe de cheveux, et une bonne glace. Deux bonnes glaces enfaite. Mais tous les efforts du monde ne suffirent pas à me rendre le sourire, autant à l'intérieur qu'à l'extérieur. Je n'étais définitivement plus la même, et ça commençait à me rendre folle, d'où la petite ballade d'une demie-heure.

Mes talons rouges claquaient sur le petit chemin bétonné qui traversait le parc. Un petit vent frais soulevait les volants crèmes de ma robe, mais mon perfecto en cuir m'empêchait d'avoir froid. Je croisais plusieurs familles unies, rentrant chez elles, joyeuses et heureuses de l'après midi qu'ils venaient de passer. Ou bien un promeneur solitaire mais souriant, accompagné de son gros labrador ou son boxer tenant un bâton en bouche. Il y avait aussi un groupe d'amis, une étudiante préférant le plein air à la bibliothèque pour réviser, la petite grand-mère, le clochard ... Tous ces gens paraissaient si heureux. Et pourquoi ne pas l'être? Une journée aussi ensoleillée, succédant à un jour de pluie, c'était vraiment magique!
Soudain, je me retrouvais seule. Il n'y avait plus personne autour de moi, seulement les cris lointain de quelques enfants, que je ne pouvais même pas voir. La solitude est parfois si belle, si calme, mais là, je n'en voulais pas. Je ne voulais plus jamais être seule. La solitude m'étouffais, m'étranglais. C'est alors que je l'aperçus.

-Kasey?!

La vie aurait presque pu avoir l’air d’avoir reprit une tournure normale. Le travail, le shopping, les engueulades avec ma mère… Et Morgan. C’était la partie anormale – si on pouvait appeler ça comme ça – de la situation. On se voyait de temps à autre, pour coucher ensemble – faire l’amour était un terme un peu trop fort, puisque je n’étais pas amoureuse de lui, et qu’il n’était pas non plus amoureux de moi. A la fréquence de trois ou quatre fois par semaine. Parfois plus, parfois moins. On s’entendait bien et on s’amusait bien. Je ne savais pas trop dans quoi on était entrain de s’embarquer, mais je ne savais pas du tout où ça allait nous mener. Je n’en oubliais pas mes amis pour autant, ni ma sœur. Ma mère, elle, j’aurais préféré l’oublier, mais ce n’était qu’un détail. En sortant du boulot, j’avais regardé mes mails sur mon smart phone, et il y en avait deux de ma sœur, quelques pubs, facebook qui m’harcelait et un de la fac par correspondance à laquelle j’avais écris. Il me fallait répondre à la première, supprimé les deuxièmes et troisièmes, et prendre le temps de bien lire ce que la dernière allait me dire. Il était temps que je reprenne ma vie en main, hors de question que je reste ici à attendre que ça se passe. J’avais envie, et surtout besoin de changer d’air. Partir loin, pas trop non plus, mais assez pour vivre ma vie sans avoir l’impression de devoir me justifier sans cesse.

J’ai dix-neuf ans, bientôt vingt, et il est hors de question que ça reste comme ça. En sortant du boulot, je n’avais même pas envie de rentrer tout de suite à la maison, et pas plus de passer du temps dans les magasins de Port Angeles. Je fis la route, que je connaissais par cœur, tellement par cœur que je ne la voyais même plus, pour retourner à Forks, tout en cherchant ce que je pourrais faire d’intéressant avant de rentrer. Il y avait plusieurs possibilités bien sur : passer au café, aller au studio de danse… Mais rien qui ne me tentait vraiment. Et puis, en arrivant à Forks, le panneau m’indiqua le parc. Et je me dis que ce n’était peut être pas une mauvaise idée d’aller m’y promener, histoire de prendre l’air cinq minute, ce qui me changerait de la maison/la librairie. Il faisait un peu humide, certes – à Forks le contraire serait étonnant – mais rien d’insurmontable, il ne pleuvait pas. J’étais habillée un peu simplement, des boots à revers en fourrure, dans lesquelles j’avais rentré mon jean clair, avec un talon assez haut, un sous pull long et ample, gris clair et une doudoune sans manche noir, avec une capuche à fausse fourrure. Je risquais d’avoir un peu froid, mais je n’avais pas non plus l’intention de rester là pendant trois siècles, surtout qu’il menaçait de se remettre à pleuvoir d’un instant à l’autre, mais juste assez longtemps pour me changer les idées. Je laissais mon sac dans la voiture, ne prenant que mon téléphone pour répondre à mes mails, et ma clef de voiture.

Si jamais je croisais un flic et qu’il me demandait mes papiers, j’aurais des problèmes, mais tant pis, je n’avais pas envie de me charger. Je laissais mon cabriolet bleu à l’entrée du parc, et tenant mon smartphone à deux mains, j’avançais lentement tout en lisant mes messages et y répondant

-Kasey?! Appela alors une voix.

Je relevais la tête de mes messages pour voir qui venait de m’appeler. C’était Ashley. D’un coup, je me sentis nulle, mais nulle… Ca faisait quelques semaines qu’elle avait rompu avec son copain – dont elle m’avait très peu parlé, mais bon – et, vu qu’elle ne voulait pas en parler, je n’avais pas voulu insister, mais j’aurais peut être dû. Vive les copines.

-Salut Ash ! répondis-je avec un sourire. Comment tu vas ?

J’avais à peine eut le temps de finir ma phrase que les premières gouttes de pluie se firent sentir, tombant lentement, mais à plusieurs. Eh merde ! Sans attendre, je pris Ashley par le bras avant de courir vers ma voiture.

-Viens je suis juste là.

On voyait encore le cabriolet bleu de là où on était. Comme deux folles – il faut dire que les talons n’aident pas -, on courus jusqu’à la voiture avant de s’y enfermer.

-Mais quel temps de merde ! m’exclamai-je alors.

-Salut Ash ! Comment tu vas ?

Je connaissais Kasey grâce au magasin. en effet, je l'avais aidé à choisir une robe pour je ne sais qu'elle occasion. Et aussi étrange que ce la puisse paraitre, j'avais, dès le premier coup, pioché celle que Kasey préférait! Nous nous étions revus par la suite, tissant au fur et à mesure une belle amitié. Grâce à Kasey, je sortais un peu de cette routine loups-vampires-loups, je pouvais m'évader. Une des rares humaines qui n'était pas effrayée par ces phénomènes bizarres.
D'un côté, nous nous ressemblions parfaitement, alors que de l'autre, nous étions totalement différentes. Nous étions très complices, et ensemble, nous pouvions mettre le feu n'importe où!
Pourtant, nous n'avions pas parlé de ma rupture. Bien sûr, elle savait que j'avais un copain, que c'était finis, et que j'étais vraiment et complétement dévastée. Mais je n'avais pas vraiment souhaité en parler d'avantage. Certes, Kasey aurait été la première à qui j'aurais tout dit, mais étonnamment, je n'en avais pas ressentis le besoin. Ou du moins, je n'avais pas voulut l'embêter avec ça. En y repensant, j'aurais peut-être dû.
Je n'eus pas le temps de répondre à mon amie que déjà, quelques gouttes commençaient à tomber. Quel dommage! Alors qu'il faisait presque beau quelques minutes auparavant! Kasey me pris par le bras, et commença à courir. Nous n'avions vraiment pas l'air maligne toutes les deux en talons, à courir comme deux folles sous une pluie torrentielle, à rire aux éclats.

-Viens je suis juste là.

Son cabriolet bleu n'était pas très loin, ce qui explique comment nous avions réussi à l'atteindre aussi rapidement. Ma porshe (boxter S) rouge était garée un peu plus loin, mais je m'en fichais. Après tout, elle m'avait attendu pendant un moment avant que je ne l'achète, alors elle pourrait m'attendre une soirée près du parc.

-Mais quel temps de merde !

Je ris. Décidément, Kasey avait vraiment une sorte de pouvoir magique; cela faisait un moment que je n'avais pas rit autant en si peu de temps. Elle mis le contact et pris la route.

-J'espère que tu as de la bonne glace chez toi. J'en ai vraiment besoin vu celle que j'ai mangé tout à l'heure!

Cela faisait un bon moment que je n'étais plus allé chez Kasey. Je crois même que je n'y suis jamais allé, ou peut-être une fois, pour la chercher. Je ne sais plus. Il fallait bien que je découvre (ou re-découvre) là où elle vit! Je me permis de mettre la radio en marche. Lui adressant un sourire, je me tournais vers elle.

-ça fait un petit bail, hein! Tu m'as manqué.

Et nous nous lançâmes dans un karaoké complétement déchiré de chaque chanson qui passait à l'antenne.

J’aurais voulu être plus présente pour Ashley au moment de sa rupture avec son petit copain, mais à ce moment là, j’avais moi-même mes propres problèmes. C’était surement égoïste, très certainement même, et en même temps quand on se sent mal soi même, on a des difficultés à s’occuper des problèmes des autres, aussi proches soient-ils. Et à notre âge, une rupture, c’est courant non ? Les relations durent, ou pas. On tombe amoureux ou on se rend compte qu’on perd son temps. Ashley était forte, rien ne semblait l’ébranler. Elle s’en remettrait, je n’avais pas de doutes, même si ça lui avait fait du mal. On ne peut pas laisser un connard gagner quand il nous fait du mal. C’est trop facile. Ca aurait été ironique que je sache qui était le connard en question, et que je couchais avec depuis… le lendemain de leur rupture. Ca n’allait pas tarder à se savoir d’ailleurs. Le retour de bâton faisait toujours mal. Et je n’allais pas y couper. Mais là ça serait encore pire. Cette ville me portait définitivement la poisse. Je veux revoir Philadelphie… Je ne m’attendais pas vraiment à croiser Ashley ce soir, dans le parc, comme ça. C’était assez rare d’ailleurs de tomber comme ça l’une sur l’autre bien que la ville soit petite. Je ne la fuyais pas, non, pas plus que la plupart des gens dont j’avais fait la connaissance en six mois de vie ici. Mais je ne veux pas qu’on sache ce que je suis, alors il vaut mieux imposer une certaine distance à certaines périodes du mois.

Comme demain soir par exemple. La pleine lune approchait et je savais que demain matin, je serais dans le gaz. C’est comme les règles ce truc, il faut plusieurs mois pour s’y habituer, et que ça trouve son rythme. Qui sait, bientôt, je serais peut être capable de passer la journée précédant la pleine lune comme si de rien n’était, en pleine forme… Un jour peut être. En attendant, il fallait bien que je profite de ma dernière soirée avant la nuit que j’appréhendais le plus tous les mois. Dans mon portable, j’avais téléchargé une application qui me donnait en permanence le cycle de la lune, sur un petit widget de mon écran. Tout le monde l’avait trouvé sympa, ce petit truc, cool aussi. S’ils avaient su à quoi il me servait, ça aurait sans doute été tout de suite moins cool. Mais maintenant que j’étais avec Ashley, je ne pensais plus à mes petits soucis mensuels. J’avais envie d’une soirée entres filles, à discuter, rigoler, regarder des films « de filles » - Dirty Dancing devait être dans mon lecteur DVD d’ailleurs – et à manger n’importe quoi. Ca semblait plutôt bien parti. J’allais même le lui proposer quand la flotte nous était tombée dessus. Il ne manquait plus que ça. Je déteste friser. Heureusement que la voiture n’était pas très loin. Nous avions couru comme deux malades jusqu’à mon cabriolet bleu pour nous y mettre à l’abri. C’était presque drôle. Deux filles normales, ou presque.

-J'espère que tu as de la bonne glace chez toi. J'en ai vraiment besoin vu celle que j'ai mangé tout à l'heure!

Je lui souris, tout en mettant le contact. Je n’avais même pas besoin de lui demander, elle venait de s’inviter toute seule.

-Ca doit se trouver.

Heureusement que, même malgré l’arrivée de l’hiver, j’avais pensé à en racheter depuis ma rencontre avec Morgan. Il m’avait fait totalement oublier mes quelques courses ce jour là. C’est amusant de voir comment les choses sont faites. Elle mit la radio en marche, et Material Girl de Madonna se mit à résonner dans l’habitacle. Je fredonnais cet air que j’aimais énormément quand Ashley prit la parole :

-Ca fait un petit bail, hein! Tu m'as manqué.

-Toi aussi.

J’habitais à tout au plus dix minutes du parc. Il n’y avait pas la voiture de ma mère devant la maison. Où pouvait-elle être ? Mystère. En regardant mon portable, je vis que j’avais un appel en absence et un message vocal. Tout en sortant de la voiture, je l’écoutais rapidement. Elle dinait avec des amis en ville. Parfait. Il fallut courir un peu encore pour faire le trajet de la voiture jusqu’au porche, soit une dizaine de mètres, avant de se retrouver à l’intérieur. Je retirais mes boots trempées, si jamais des traces restaient dans la maison j’en connaissais une qui allait hurler, avant de poser ma veste et le reste.

-Pause tes affaires là, dis-je à Ashley en lui désignant le porte manteau.

Dans la cuisine je pris deux pots de glaces assez conséquents, avant de revenir vers le salon et d’allumer l’écran plat, à la recherche d’une chaine avec un film ou une émission sympa. Ashley vint me rejoindre. La télé était plus là pour un fond sonore qu’autre chose.

-Alors raconte, qu’est ce qui t’es arrivé ?

Sujet délicat. Il était peut être temps qu'elle me parle de sa rupture...

J'étais comme ça, je ne mâchais pas mes mots. Je n'attendais pas que l'on m'invite; je m'invitais. J'étais franche et quoi qu'il arrive, je savais tourner la vérité de sorte à ce qu'elle ne soit pas blessante. J'aimais faire rire, amuser mon entourage, et je ne m'embêtais pas avec les formalités. Enfin, l'ancienne Ashley était ainsi. L'ancienne Ashley était toujours souriante, drôle, sympa, extravertie, optimiste. Maintenant, je n'étais plus qu'un corps bougeant sans vraiment s'en rendre compte. J'avais pourtant vécu pleins d'autres ruptures. Alors pourquoi CELLE-LA ? Pourquoi maintenant?
Mais avec Kasey, je redevenais un peu comme avant. Je retrouvais mon ancienne moi, celle qui commençait malheureusement à s'éloigner de plus en plus. La retrouverais-je entièrement un jour? Pourrais-je à nouveau rire et croquer la vie à pleines dents? Pour le moment, je n'en étais absolument pas convaincu. Mais bon, demain est un autre jour, et avec un peu de chance, Kasey ne remarquerais même pas à quel point j'avais changé.

Une vraie soirée entre filles s'imposait. Cela faisait tellement longtemps, et en même temps pas assez pour s'oublier. Kasey était une fille géniale, et j'étais sûre que quoi qu'il arrive, nous ne cesseront jamais de nous entendre. Jamais je n'aurais imaginer que peu de temps plus tard, tout aller se fracasser dans tous les sens.
J'entrais à la suite de mon amie dans sa maison. Elle était vide, sa mère n'étant pas là. J'ôtais mes chaussures et ma veste, avant de les ranger là où Kasey me l'avait indiqué; le sol était propre, je ne pouvais pas me permettre de le salir! Je m'assis sur le canapé, alors qu'elle s'occupait des glaces. La télé était allumée, mais nous n'allions pas vraiment la regarder; on avait bien trop de choses à se dire. D'ailleurs, c'est Kasey qui lança la conversation.

-Alors raconte, qu’est ce qui t’es arrivé ?

Chemin épineux. Bien trop épineux pour que comprenne tout de suite de quoi elle parlait. Je n'en avait pratiquement pas parlé. A personne. ça ne m'enchantais pas trop, pour tout vous dire.
Pendant un instant, je fixais la jeune femme, sans bouger, sans réellement m'en rendre compte. Quand je me rendis compte qu'elle parlait vraiment de ma rupture avec Morgan, je m'aperçus de son regard un peu gênée.

-Oh non, pardon, excuse moi, j'étais perdue dans mes pensées!

Je repliais une jambe, m'installant confortablement dans le canapé. Il fallait bien que ça arrive un jour, et puis ça ne me ferais pas de mal d'en parler, au contraire. Je l'espère.

-Il s'appelait Morgan. Toujours, d'ailleurs. C'était mon meilleur ami. Et un jour, on a finis par aller plus loin... Je ne sais plus trop pourquoi, mais j'ai suivis ma mère à Paris peu de temps après. Et puis, quand je suis rentrée, on s'est mis ensemble. Malheureusement ou heureusement? Aucun idée. C'était vraiment génial. Mais ma mère a eu un grave accident, et j'ai dû repartir pour Paris. Quand je suis rentrée, ce n'était déjà plus comme avant. Alors je ne sais pas trop si c'est le fait de l'avoir laissé encore une fois, ou si c'était juste parce qu'il voulait changer, mais dans tous les cas, ça m'a gravement blessée.

Je ne dis plus rien. Il n'y avait plus rien à dire. Ce qui m'étonnais, c'était mes yeux, secs. Avant, j'aurais pleuré. Je n'aurais même pas réussi à finir la première phrase. Mais là, 'javais tout bien résumé, comme il le faut, et sans même hésiter. Je relevais les yeux du sol vers mon amie, attendant sa réaction.

C’est dans ce genre de situation que la vérité nous tombe sur le coin de la figure sans qu’on ait vraiment eut le temps de la voir venir. Tout va bien, et la minute d’après, c’est le chaos total. J’étais presque sure de passer une soirée sympa avec Ashley, maintenant que nous nous étions remis la main dessus. Elle était l’une des premières personnes que j’avais rencontrée à Forks, une fille adorable, serviable. Je ne savais pas vraiment comment nous avions pus devenir amis si vite, et des amis si proches en si peu de temps, mais toujours est-il que c’était le cas. Nous étions là, toutes les deux, et prêtes à venir en aide à l’autre si elle en avait besoin. Du moins était-ce ce que j’espérais. J’aurais aimé être encore plus présente pour elle ces dernières semaines. Quand elle avait eut besoin d’amis. Mais c’était elle qui s’était renfermée sur elle-même, et je ne voulais pas m’imposer. A quoi cela aurait-il servit de toute manière ? Quand on a mal et qu’on refuse l’aide des autres, on ne peut pas s’imposer auprès de ceux qui souffrent. Je l’avais regretté, mais maintenant qu’elle allait mieux, j’allais faire tout ce qui était en mon pouvoir pour la faire rire, s’amuser, même si la soirée était plutôt simple, basique, c’était ce qu’il y avait de mieux quand on avait le moral au plus bas. Je ne savais pas combien de temps elle était restée avec son copain, mais un mois c’est plutôt court pour se remettre d’une histoire qui a beaucoup compté pour nous.

Bizarrement j’avais presque l’impression d’être plus proche d’Ashley que de ma propre sœur. Je la voyais plus souvent, et pas mal de choses me séparaient d’Alexia désormais. Et je devais bien avouer que j’avais moi aussi besoin d’une soirée entre filles. Mais je n’avais pas l’intention de parler à Ashley de ce qu’il se passait avec Morgan. Ca ne servait à rien de remuer le couteau dans la plaie. Mais ente le boulot, mes transformations – dont il ne fallait pas parler non plus d’ailleurs, mais pour d’autres raisons – et les soirées solitaires, je commençais à en avoir assez. La musique était plutôt pas mal, et malgré l’humidité ambiante, il y avait assez de glace pour soutenir un siège. Ne restait plus qu’à s’installer devant la télé pour passer une soirée tranquille. Ce que nous avions fais d’ailleurs. J’avais mis un certain temps à trouver la chaine qui mettrait assez d’ambiance sans pour autant nous empêcher de parler. Avoir la maison pour nous toutes seules était plutôt avantageux, il fallait bien l’avouer. Pour une fois que je n’avais pas ma mère qui bondissait au moindre bruit dans les pattes, ayant peur que je fasse une bêtise, un sous entendu un peu trop compréhensible, et en même temps qui était prête à appeler les urgences à n’importe quel moment. Tellement stressée que ça en paraissait très peu naturel, et éveillait bien plus l’attention que moi toute seule. Allez essayer de vous persuader que vous n’êtes pas un monstre après ça…

Mais la soirée était plutôt bien partie, et j’engageais le sujet à problème presque tout de suite. Tant qu’à faire, autant crever l’abcès. Elle mit un peu de temps à revenir sur terre pour me répondre, alors que j’attendais patiemment qu’elle se décide, en plantant ma cuillère dans le peau de glace.

-Oh non, pardon, excuse-moi, j'étais perdue dans mes pensées!

Je haussais les épaules, signe que je ne lui en voulais pas, avant de fourrer la crème glacée vanille parsemée de morceaux de cookies dans ma bouche en attendant qu’elle me raconte, ce qu’elle finit par faire après s’être un peu mieux installée sur le canapé.

-Il s'appelait Morgan. Toujours, d'ailleurs. C'était mon meilleur ami. Et un jour, on a finis par aller plus loin... Je ne sais plus trop pourquoi, mais j'ai suivis ma mère à Paris peu de temps après. Et puis, quand je suis rentrée, on s'est mis ensemble. Malheureusement ou heureusement? Aucun idée. C'était vraiment génial. Mais ma mère a eu un grave accident, et j'ai dû repartir pour Paris. Quand je suis rentrée, ce n'était déjà plus comme avant. Alors je ne sais pas trop si c'est le fait de l'avoir laissé encore une fois, ou si c'était juste parce qu'il voulait changer, mais dans tous les cas, ça m'a gravement blessée.

C’était un sacré résumé. Une autre à ma place, aurait sans doute poussé des hauts cris, mais dès la première phrase, j’avais faillis m’étrangler avec la crème glacée. Morgan était un nom plutôt courant, mais il y en avait combien dans cette ville au juste ? Heureusement, elle n’avait rien vu. Enfin je crois. Je reposais ma cuillère, l’appétit soudain coupé par le doute.

-Eh bah… répondis-je simplement, essayant de rester naturelle.

Instinctivement, je mis ma main contre ma poche pour sentir mon portable. Texto… ou pas texto ? Non… pas encore, je n’avais pas encore de preuve.

-Et… vous êtes restés ensemble combien de temps ? Il était comment, physiquement ? Si ça se trouve je l’ai déjà croisé… demandais-je l’air de rien.

Pourtant, les dates concordaient. Il y a un mois, j’avais croisé Morgan dans la rue…