*Bien souvent, on dit que les mentalités changent avec le temps où elles se voient naître, de même que leur environnement vital. Si cette dernière idée devait être vraie, il n'en est rien, à l'inverse, de la première idée, bien au contraire.

Un jour, un mois, une année, une décennie, un siècle entier peuvent s'écouler, le temps changer, le paysage se modeler pour le confort des Humains, mais la Peur qui naît dans leur cœur, la Haine qui les consume, la colère qui les fait se monter contre tout un et rien, la douleur d'être vu comme une abomination abjecte... Ces sentiments traversent la fleur de l'âge et se grave dans les esprits, même les plus tenaces, héritage bien lourd, que se lèguent les générations, les unes après les autres...
Et si, par malheur, une quelconque anomalie venait s'immiscer dans ces lignes pré-écrites et décider de vous choisir pour demeure, vous étiez écarté de ce cercle généalogique.

Je ne me souviens pas des premières années de mon existence... Ou peut-être ai-je décidé de ne plus me les remémorer...
L'année de mes 17 ans, on découvrit, même si je n'en pris conscience réellement que quelques années plus tard, que j'avais le don, par simple toucher, de deviner la cause de la mort de n'importe quel être vivant! Bien qu'inoffensif en soi, cette découverte engendra crainte, peur, puis haine de toute part, allant de ma propre famille à la Cour Royale! *

"Par tous les Saints, c'est une sorcière, elle parle avec les Démons des Enfers, eux seuls peuvent connaître la vérité sur la Mort elle-même!", *remonta-t-il auprès du Roi par l'un de ses conseillers.

Le Roi finit par ordonner, l'année de mes 22ans, après que j'eusse fait démonstration, contre quelques récompenses pécuniaires, à maintes reprises de mes capacités, ma capture et ma mise au cachot, en attendant d'être brûlée vive, sort réservé alors encore aux sorcières.

Bien que le sac à viande qui se faisait appeler* "Père" *ne pensa même pas à aller contre un ordre de la Haute Cour, ma regrettée Mère ne pu s'y résoudre. Je n'oublierai jamais, lorsque les soldats arrivèrent en vue de notre demeure, et qu'elle me poussa à fuir vers les bois situés à l'arrière de notre vieille bicoque, ces derniers n'hésitèrent pas un seul instant à épauler leur fusil et me prendre en chasse comme la biche qu'ils se veulent à souper!
La peur et l'étonnement me glacèrent l'échine et paralysèrent mes jambes, l'incompréhension et le sentiment d'injustice embrouillèrent mes pensées, si bien que je ne pensais même plus à fuir! Avant même, que je ne réalise vraiment l'étendue de la situation, ma mère s'interposa entre moi et les canons des fusils prêts à faire feu au premier ordre lancé, et, d'une voix étranglée par des sanglots à peine cachés, me lança ces mots :*

_ Aucune mère digne de ce nom ne peut endurer que son enfant soit interdit de vivre! Tu resteras toujours ma fille, et ça, personne ne me l'enlèvera! Vit ta propre vie...

* Les nombreuses déflagrations résonnent encore aujourd'hui dans ma tête. J'eu le temps de voir ma mère tomber sur le dos, le corps criblé d'impact et de sang, de sentir une violente douleur à l'épaule gauche, là où un tir parvint à me toucher, et me sentir transporter par mes propres jambes, sans savoir quand, ni comment j'en eu retrouvé l'usage, et atteindre la noirceur des bois, au même moment qu'une seconde salve fut tirée.
Je ne sais combien de temps je couru à travers la forêt, ni combien fois j'eu le corps griffé par les branches se mettant en travers de ma route, ou encore les racines et pierres qui avaient décidé de se dresser sur mon chemin afin de me faire trébucher le plus souvent possible.
J'ai couru, couru, couru, sans même y penser, avançant droit devant moi, sans savoir où j'allais...C'est l'épuisement, qui finit par avoir raison de moi, mes jambes se dérobèrent d'un coup, mon corps s'affalant comme une feuille sur le sol humide de la forêt. J'avais à peine assez de force pour garder mes yeux semi-ouverts et respirer.
Je ne pu m'empêcher d'écouter le calme qui régnait. Pas un pépiement d'oiseau, pas le moindre gloussement humain, pas de bruit de fusil, ou de course effrénée. Rien que le silence.
Je pense que je dû rester ainsi près d'une heure, avant que je senti le sommeil commencer à s'emparer de moi.
Mais, juste avant que mes paupières cèdent au poids de la fatigue, je pris soudain conscience de quelque chose! Je n'étais pas seule à profiter de ce silence de mort! Mais, bizarrement, cela n'avait plus aucune importance... Trop fatiguée pour chercher à percer les ténèbres qui m'entouraient, je m'abandonnai complètement au sommeil...

C'est le clapotis de l'eau qui me réveilla. Mon premier réflexe fut de plonger mes lèvres et de boire de grosses gorgées d'une eau bien fraîche! J'en déduisis que j'étais encore dans la douceur du matin, malgré qu'il fasse toujours aussi sombre.*
"Stop! Une minute!! Quand est-ce que cette petite rivière est venue s'installer à côté de moi?!", *pensais-je à voix haute alors.
Un rire léger, mais féminin retentit alors autour de moi.*
_Hein...? Qui...? Que...? Quoi...? Où...?
_Ça ne te laisse plus que "Pourquoi" et "Quand", pas vrai?

*Impossible de savoir d'où venait cette voix, j'avais l'impression que ça sortait de tous les côtés en même temps!*

_Alors, comme ça, il est possible de voir ce qui cause la Mort, par un simple toucher? C'est intéressant, dis-moi.
_Comment savez-vous ça? Qui êtes-vous?? Où êtes-vous?! Que voulez-vous...
_Pour quelqu'un qui ne parvenait même pas à construire correctement une seule question, il y à moins d'une minute, tu te reprends plutôt vite. Tu suscites encore plus ma curiosité à ton égard!
_Bah pas moi!!
_Ah oui? Je ne vois pourtant personne d'autre ici, à par nous, et ce n'est pas moi qui me suis posée la question de qui j'étais, où j'étais, comment j'en sais autant sur toi et ce que je te veux.

*Elle me voit!?! C'est quoi ce bordel? Il fait aussi noir ici, que dans le troufion d'un bœuf!*

_Vous me voyez vraiment?
_Et encore une question, toujours aussi dénuée de curiosité, n'est-ce pas? (rires)
_Et ça vous empêche d'y répondre?!

*Calme-toi, ne t'énerve pas, garde ton sang-froid!*

_Mmmmm... Vraiment délicieuse...Et pleines de charmes, où il faut en plus...
_Tu sais ce qu'ils te disent mes charmes !?
_Nul besoin de tant de dureté entre représentantes de la gente féminine. Surtout avec un corps si...féminin... (rires)[/i}
_C'est quoi ces sous-entendus?
_A ton avis, ce sont les arbres de cette forêt qui ont soigné ta blessure à l'épaule, changer tes vêtements et transporter au bord de ce cours d'eau?

*Ma blessure... "Hein? Quoi?! Mais...!", m'exclamais-je, en regardant et passant le main sur mon épaule gauche, là où un tir de fusil y avait tracé une jolie tranchée, pour ne trouver que ma peau lisse, sans la moindre cicatrice. Et quand je me mis à palper mes vêtements, je me rendis soudain compte que je ne portais plus ces vêtements de toile, mais des habits beaucoup plus résistants et, semblaient-ils, propres! Même mes pieds, qui étaient alors nus à de mon départ précipité, se trouvaient chaussés dans des bottes chaudes et confortables. Je sentis mes joues devenir chaudes d'embarras.

_Mais...Mais!! Mais vous m'avez vue nue?!...
_ Ne t'inquiète pas, même si tu n'étais pas la première, j'ai pris un soin particulier à être bien attentive sur la taille de tes vêtements. [i](gloussements moqueurs)
_Attendez un peu que je vous transforme en nid d'abeilles!
_Oh, mais si c'est du miel que tu veux, pas besoin d'aller jusque là, je suis sûre que j'ai largement tout ce qu'il te faut.

*La sensualité qui teintait sa voix eu tôt fait de m'agacer plus encore!*

_Alors, si je récapitule bien, vous savez quel maux m'accompagne, vous m'avez vue complètement nue, et je ne pense pas que vous m'ayez habillé avec les pieds...
_Oh ça c'est sûr!...
_J'AI PAS FINI!! Donc, en plus de ça, vous pouvez me voir, et vous avez soigné ma blessure. J'oublie quelque chose d'autre que vous sauriez sur moi par hasard?
_ Je sais également que tu es dans ta 22ème année, que tu t'appelles Noreen VEVINA, très joli nom d'ailleurs, "douce femme" (rires tendancieux), que ta maman a été tuée parce qu'elle a voulu se dresser contre l'autorité royale qui te voulait sur un bûcher, et que tu t'es enfuie dans cette forêt, pour mon plus grand bonheur.
_Et pour son plus grand bonheur, un marchand de fusils va prochainement faire fortune!
_J'espère qu'il n'est pas pressé alors, car dans ton état actuel...(rires moqueurs)
_Bon, ça va aller là maintenant! Et puis d'abord, à mon tour, maintenant, d'en savoir plus sur vous. Qui êtes-vous?! Où êtes-vous?! Que me voulez-vous?!
_Qui je suis? Eh bien, tout comme l'abeille n'apprend le nom de la fleur, qu'après l'avoir butiné avec tendresse, il va te falloir faire preuve d'efforts pour connaître le miens. Où je suis? Eh bien, suffisamment près de toi pour te voir et te te parler...

*Soudain, je senti un mouvement d'air derrière moi, et, avant que je n'eusse le temps de faire le moindre mouvement, je senti une emprise glacée se refermer autour de mon buste, plaquant mes bras contre mon corps et souffle tiède m'effleurer la nuque, une vois me susurrant à l'oreille:*

_Ce que je te veux?... Je veux ton sang, je veux que ton âme m'appartienne...Et NOUS voulons ton pouvoir!

*A l'instant-même, je senti comme une profonde morsure me prendre à la gorge. Mais, bizarrement, bien que j'eu la sensation de sentir la vie quitter tout doucement et très lentement mon corps, je ne peux résister à l'envie de m'abandonner à cette douce sensation de lèvres se refermant sur mon cou. Cette emprise, qui m'enserrait le buste, ne devint plus si rigide, au contraire, j'eu envie d'être enserrée plus fortement. Une douce chaleur envahit mon bas-ventre, tandis que je continuais de sentir ces lèvres plaquées contre la peau de mon cou. Je crois me souvenir que je ne pu réprimer râle de plaisir. Quelle était donc cette sensation envoûtante, à laquelle je ne pouvais résister? Je m'étais surprise à espérer que cet instant ne s'arrête jamais...Pourtant, de nouveau, mes yeux ne purent se maintenir ouvert, sans doute à cause de la douleur fulgurante qui vint prendre place au frisson de plaisir qui me parcourait alors tout le corps, et mon esprit s'envola, en même temps que mon dernier souffle de vie en tant qu'être humain...*


Aujourd'hui, 325 années se sont écoulées depuis cette évènement. Noreen VEVINA n'avait jamais revu celle qui lui avait ôté son âme, et fait d'elle un Oiseau de Nuit.
Nombre de clans vampires et autres usèrent de son pouvoir, mais jamais encore elle ne s'était attachée à un endroit bien précis... Jusqu'à son arrivée à Forks...